Attiré par la grande notation du programme télé auquel je suis abonné, c’est confiant que je me suis lancé dans le visionnage de l’adaptation cinématographique du roman éponyme de John Irving. Si les destins croisés d’une mère et de son fils proposaient un sujet formidable propice au grand écran, à condition de le vouer à de formidables talents, le traitement fait par George Roy Hill manque sérieusement de rythme, provoquant un relatif désintéressement en moi. Limite soporifique, malgré une entrée en matière qui prête à sourire : "(…) il était sur le dos, dans un lit d’hôpital. Un soir où il était comme toujours en érection, je l’ai chevauché et l’ai mis en moi. Il a éjaculé presque immédiatement. Et maintenant j’ai un bébé superbe". Le ton est donné sur la psychologie de Jenny Fields, la mère de Garp. Je pensais alors que le film allait garder ce ton un peu olé olé, mais en fait il s’arrêtera assez rapidement, tout du moins dès qu’on découvrira Garp sous ses traits définitifs, pour prendre une tournure plus dramatique. Si Robin Williams incarne avec beaucoup de talent cet enfant devenu grand, avec l’aide précieuse de John Lithgow surprenant mais convaincant dans la peau de Roberta, il ne réussit pas à donner un vrai punch au film, du punch qui aurait réussi à donner un souffle beaucoup plus léger à l'histoire. Les deux comédiens ont beau s’en sortir avec les honneurs (surtout John Lithgow), ça ne suffit pas. La faute sans doute à une atmosphère lourde, quasiment dénuée de musique. En dépit du fait que je ne l'ai pas lu, le roman de John Irving donne pourtant des sujets de choix, comme l’absence d’un père, le féminisme, la fidélité, la tolérance, les ambitions, le but de la vie, la poursuite des rêves… Tout du moins, c'est ce que le scénario laisse apparaître. Seulement voilà : George Roy Hill signe une réalisation très académique, en tout cas bien trop plate mais aussi plutôt convenue pour réussir à retranscrire la poésie et la magie du best-seller de John Irving que bon nombre de lecteurs s’accorde à saluer. L’aspect légèrement suranné de l’image permet cependant de bien s’intégrer dans les années 60, une époque fièrement portée par l’inusable tenue d’infirmière de Glenn Close. La photographie est également intéressante, mais ces détails ne suffisent pas à effacer les manquements de la mise en scène décidément bien trop terne. Inutile de dire alors que je suis déçu, croyant un peu naïvement que le titre laissait augurer une vision du monde hors du commun par un personnage hors du commun. Il n’en est rien, nous avons seulement affaire à une personne certes procréée de façon singulière, mais à la vision somme toute commune : faire sa vie en accomplissant ses rêves, des rêves finalement assez banals. Beaucoup de spectateurs recommandent de lire le livre. D’accord, c’est ce que je ferai, bien que je considère que ce film ne fasse pas une bonne pub en faveur du roman.