Dès les débuts de sa promotion, Un homme pressé avait tout de la comédie française populaire sans imagination, au détail prêt qu'il accueillait dans ses rangs le personnage littéraire des plateaux télé, le showman des amateurs d'auteur, Fabrice Luchini. Déjà croisé dans tout un tas de films plus ou moins bons (on se souviendra de sa prestation dans Jean-Philippe), l'artiste affiche une sympathie particulière, tant au niveau de son jeu que de l'aura qu'il peut avoir auprès du grand public.
Et l'on comprend rapidement, quand arrive le moment de l'AVC, qu'Un homme pressé n'existe que pour l'entraînement à la destruction de la langue française par ce grand défenseur de l'art littéraire. Il ne trouve d'intérêt que pour voir Luchini s'éclater comme un gosse dans un texte fait sur mesure, et qui donne un regard terriblement naïf et cliché sur les rapports familiaux, professionnels, la manière qu'on peut avoir de vivre la maladie et de tenter de la soigner.
Il n'y aura qu'à voir la représentation du milieu médical pour comprendre à quel point ceux à l'oeuvre ici n'y connaissent à la fois rien en maladies et en personnel de santé; infirmier à mi-chemin entre l'aide-soignant et le docteur, il porte la tenue bleu de l'un quand il arbore, par dessus, une blouse ouverte à la laxiste, tenue complètement proscrite en hôpital. D'autant plus que notre ami, important parce qu'il est un peu bête mais sincère, s'amuse à faire des courses de fauteuil roulant à toute allure, quand il ne tombe pas à la renverse de son trop plein de vitesse, en plein milieu de la salle de réception de l'hôpital. Met avis qu'on devrait s'attarder sur le sanger que représente ce benêt.
On mettra du temps à y croire, et si au début la représentation de l'hôpital pourra hérisser le poil à celui qui l'a connu ou le connaît, on cherchera dès lors de l'autre côté pour se rassurer, sans jamais réussir. Parce que ce manque de réalisme est symptomatique de ce qui ne va pas dans ce film : désireux de trop en faire, il tombe rapidement dans le grotesque pour créer quelque ressort comique éculé, impression confirmée par le running-gag au café pour lequel Luchini, visiblement inspiré par le langage des "jeuns", enchaîne les expressions toutes faîtes pour arracher un sourire léger à son public, et recommencer plus tard avec toujours moins d'imagination.
Un homme pressé va même jusqu'à s'enfermer dans ses clichés au point de se saborder seul en évoquant tous les lieux communs pathos possibles; du drame professionnel indispensable pour révéler les valeurs humaines et familiales (un an plus tard, La Mule lui donnait des cours d'écriture) au délire de comédie romantique où les deux amoureux doivent forcément passer par la séparation pour se retrouver après et vivre ensemble à vie, il s'évertue à s'enfoncer toujours plus profondément dans le prévisible jusqu'à ces interminables plans de paysage certes réussis car composés et aériens, mais qu'on pourra résumer comme une imagerie seulement permise par son budget confortable.
Ils sont finalement agréables parce que le reste se révèle d'une pauvreté médiocre, mise en scène dont on ne retient finalement aucun plan, et qui nous dirige vers une réplique finale qui se veut drôle, mais ne fait que confirmer le manque de finesse du film : une fois Marder et Luchini réunis, l'échange, facile et banal, se conclue tout de même sur une blague d'hygiène et d'odeur, au moment des retrouvailles qui se devaient émouvantes.
Alors on termine avec, tout de même, un semblant de contentement pour le charme de la fameuse Rebecca Marder et le talent habituel de Fabrice Luchini, pourtant mis à mal par une amorce de troisième acte forcée pour amener à la fameuse séparation, vitale pour aider les scénaristes à conclure une histoire qui n'avance jamais, dans laquelle les personnages n'évoluent pas, si ce n'est le principal, élément qui confirme ce qu'on pouvait penser au début : Un homme pressé n'existe que pour le plaisir de Luchini, et n'apporte rien d'autre à son spectateur et ses acteurs que le plaisir de voir un grand orateur perdre son talent d'élocution.
Ce n'est malheureusement pas suffisant pour qu'il puisse être retenu.