On ne compte plus les films et, davantage encore, les séries dont l’action se déroule dans le cadre d’un hôpital. C’est même devenu quasiment un genre à part entière, ce qui signifie que les spectateurs sont au rendez-vous. Difficile, dans ces conditions, de sortir des sentiers battus, de trouver une idée de scénario tant soit peu originale. Or l’une des surprises de « L’Ordre des Médecins », l’un de ses points forts, c’est que son scénario relève intelligemment cette gageure.
Les premières scènes sont fortes, intenses, bien menées, mais n’échappent pas encore aux conventions du genre. Dans le service de pneumologie où Simon (Jérémie Rénier) exerce sa profession de médecin, on débat âprement au sujet d’une malade en fin de vie : faut-il, oui ou non, faire de l’acharnement médical alors qu’il n’y a plus d’espoir de la sauver ? Cette scène introductive, attendue dans un film comme celui-là, a néanmoins le mérite d’initier le spectateur à ce qui sera un des thèmes majeurs abordés dans le long-métrage : celui de la pression qu’on peut dire morale exercée sur les équipes médicales, pression qui risque de générer non seulement du stress mais, éventuellement, pire encore.
Mais c’est en insérant une dimension d’intimité, de lien affectif, que le film adopte résolument un ton original qui ne peut laisser de marbre. Car voici qu’un jour c’est la propre mère de Simon (jouée par Marthe Keller), gravement malade, qui doit être admise dans l’hôpital même où celui-ci travaille. Or, pour le médecin, dont on a déjà perçu qu’il est en état de tension, cela rajoute un supplément de stress qui est difficile à gérer. Entre l’ « ordre » auquel doit obéir un médecin d’hôpital et le devoir d’un fils envers sa mère gravement malade, il peut y avoir plus qu’un simple écart.
Ce médecin au bord du burn-out, qui décide de se mettre en congé pour pouvoir mieux être présent aux côtés d’une mère qui n’a plus la force de se battre pour vivre, ce médecin qui risque sa liberté pour ce qu’il estime profitable à cette dernière, Jérémie Rénier l’incarne avec une compétence et une subtilité qui font mouche. Il parvient formidablement à faire ressentir les faiblesses humaines qu’il essaie maladroitement de dissimuler derrière la fonction de médecin.
Jusqu’aux larmes salvatrices qu’on ne peut voir sans être bouleversé
. Oui, Jérémie Rénier, qu’on a vu grandir au cinéma depuis sa première apparition en tant qu’adolescent dans « La Promesse » (1996) des Frères Dardenne, s’est révélé et se révèle à nouveau comme un grand acteur. Saluons aussi tous les autres acteurs et actrices du film, avec une mention particulière pour Zita Hanrot, qui joue à merveille une collègue (et amante) de Simon, et Maud Wyler, trop rare au cinéma, qui joue ici avec finesse Julia, sœur de Simon, mère de deux enfants en instance de divorce.
Pour finir, je me dois d’applaudir aux quelques séquences musicales du film et, tout particulièrement, à « Melocoton » chantée par cette grande artiste que fut Colette Magny, chanteuse décédée il y a un peu plus de 20 ans (le 12 juin 1997 à Villefranche-de-Rouergue), et qui mériterait d’être tirée de l’oubli (une anthologie de ses albums a été récemment publiée).