Un bon film noir qui cette fois ne nous emmène pas dans le milieu des gangsters mais reste dans le milieu très classe de la musique. Cela n'empêche pas la mort de venir surprendre le spectateur du début à la fin car évidemment il faudra attendre la dernière scène pour savoir qui va mourir. Très sympa.
Première belle originalité de ce Film noir : après un meurtre initial des plus classiques, le scénario fait le choix très habile de spoiler: donner le premier rôle à celle que l'on voit habituellement un instant avant de disparaître immédiatement du récit : la femme de l'accusé , accompagné pour l'occasion d'un des amants de la victime dans sa quête de vérité. À partir de là va se mettre en place un suspense plutôt original aussi bien dû à l'élégante mise en scène de Roy William Neill (dont ce sera d'ailleurs le chant du cygne) que l'habile adaptation faite du roman de William Irish, évitant systématiquement tout manichéisme pour nous offrir des personnages complexes, tourmentés, où rien n'est aussi simple que les apparences ne le laissent croire, l'occasion d'apprécier la belle prestation de Dan Duryea dans un registre inhabituel, bien secondé notamment par la délicate June Vincent et le toujours magistral Peter Lorre, ambigu à souhait. Le tout dans un beau noir et blanc nous faisant oublier qu'il s'agit d'un petit budget, l'évolution du récit offrant quelques réelles surprises, notamment lors d'une dernière ligne droite filmée comme un « cauchemar éveillé », non dénué d'émotions dans sa révélation finale et ses conséquences. Une réussite, illustrant avec talent le savoir-faire de l'époque pour offrir au spectateur un suspense novateur et de qualité.
William Roy Neill est resté dans l'histoire comme le réalisateur quasi exclusif pour la Universal des aventures de Sherlock Holmes avec Basil Rathbone reconnu par beaucoup comme le meilleur de tous les Sherlock Holmes de l'écran. Il tourna en effet 11 épisodes de la série de 1942 à 1946 dont certains furent sérieusement remaniés au niveau de l'écriture pour s'inscrire dans l'effort de propagande des studios contre les nazis. A peine sorti de cette longue série à la fin du conflit, il peut tourner ce film noir qui sera malheureusement son dernier, Neill décédant d'une rupture d'anévrisme peu après sa sortie. Cette adaptation du roman éponyme de William Irish (sous son pseudonyme Cornel Woolrich) offre une trame tout à fait adaptée au genre noir qui est alors en pleine ascension à Hollywood L'amnésie est un thème récurrent du genre propre à toute les variations. Cette fois-ci point de mante religieuse mais une histoire de faux coupable avec quiproquo cornélien à la clef. Neill sans doute trop habitué à la mécanique bien huilée des aventures de Sherlock Holmes déroule son intrigue de façon un peu trop linéaire ne jouant pas assez avec l'ambiguïté consubstantielle à son scénario. Il n'arrive donc pas à tirer le meilleur de son casting certes de série B mais déjà fortement rodé au genre dont Dan Duryea que l'on a vu mieux utilisé chez Lang ou Garnett. Peter Lorre quant à lui livre une prestation tout à fait remarquable en malfrat à la suavité teintée de cynisme à faire froid dans le dos. L'exercice s'il n'atteint pas les sommets d'un genre qui compte en ces années beaucoup de chefs d'œuvre n'en reste pas moins une production digne d'intérêt qui aurait mérité des moyens plus conséquents et un réalisateur plus imaginatif.
Un grand film noir porté par une intrigue à couper le souffle. Le trio Dan Duryea , June VINCENT , Peter LORRE, fait ici merveille, avec une mention particulière au dernier cité. Dans la veine des plus grands films noirs, "Black angel" fait aujourd'hui partie d'une référence en matière de thriller psychologique.