Le cinéma français ne nous habitue pas forcément au film de genre, si ce n’est les grandes fresques historiques. Mais parfois, certains réalisateurs biberonnés aux grands films américains des années 80 et qui croient dur comme fer que le film de genre, pour peu que l’on s’en donne les moyens, peut faire briller le cinéma hexagonal, se lancent dans l'aventure. Ce fut le cas de Luc Besson, par exemple, lorsqu'il réalisa son film de science -fiction : « Le Cinquième élément » ou encore Jacques Audiard et son western : « Les frères Sisters ». Mais alors que le cinéma américain s’est déjà amusé avec le genre des films de sous-marins comme « A la poursuite d'Octobre Rouge», « USS Alabama » ou encore « U-571 », en France, ils ne sont pas légion, et hormis « Les Maudits », films magnifique et notable de René Clément en 1947, le cinéma hexagonal ne s’est pas réellement donné la peine de se pencher sur le sujet, alors qu’il est source de bien des fantasmes et bien des intrigues.
Un vide compensé, donc, cette année, par la sortie de « le Chant du Loup » d’Antonin Baudry, scénariste de « Quay d’Orsay », qui réalise, ici, son premier long métrage. Et pour une première fois, nous pourrions dire qu’il s’agit d’une grande réussite, car, même si le film souffre de quelques imperfections, notamment scénaristiques, l’ensemble est d’une redoutable efficacité et plonge le spectateur au cœur d’une intrigue qui met en lumière cette mission difficile et méticuleuse des sous-mariniers français. Ici donc un jeune homme dont le talent est mis en porte-à-faux par une erreur qu’il ne comprend pas et va entraîner toute son équipe dans une spirale infernale dont l’issue peut être terrifiante. Le scénario va se tisser autour d’un personnage en particulier, puis étendre ses bras autour d’un équipage au complet dont le destin est lié aux compétences de chacun et particulièrement de cet homme que l’on appelle : « Oreille d’Or ». Si l’on peut reprocher au scénariste de ne pas aller assez loin dans la peinture des personnages, il a toutefois le mérite de pousser au maximum la tension de l’intrigue et de rendre crédible les moindres faits et gestes de chaque membre, y compris ceux qui sont à l’extérieur du sous-marin.
Il faut dire que la mise en scène du réalisateur s’est voulue au plus proche du quotidien des ses personnages, notamment en imposant aux acteurs une formation de plusieurs jours avec de véritables sous mariniers qui leur ont appris les gestes, les mots et les codes de leur corporation. On assiste donc à une mise en scène précise qui a su trouver des plans complexes, comme celui dans lequel le sous-marins surgit des eaux (Une prouesse technique autant que visuelle) comme le Kraken du fond des océans, mais aussi subtiles tout autant que compliqués à mettre en place, comme le fait de filmer dans un décor à l’échelle 1 :1 qui fait ressortir avec beaucoup plus de force et de précision l’atmosphère claustrophobique d’un sous-marins. Pour sa première fois, le réalisateur tape fort et juste, car chaque geste, chaque scène est installée avec minutie et les mots autant que les déplacements sont orchestrés à la virgule près.
En conclusion, « Le Chant du loup » est un premier film d’Antonin Baudray, juste et particulièrement efficace qui pousse les acteurs à se donner au plus juste en adoptant les gestuelles et les codes grammaticaux de ses hommes dont la vie se situe en grande partie au fond des mers. La mise en scène est studieuse et sait pourtant prendre des risques pour rendre l’ensemble spectaculaire. Si le scénario souffre de quelques défauts notamment sur la peinture des personnages, il a le mérite de créer une intrigue juste et efficace qui peut raisonner assez fortement dans cette époque paranoïaque où toutes les peurs sont permises. La distribution vient compléter avec brio un tableau assez élogieux, avec un Reda Kateb (Hippocrate) impérial, un Omar Sy (Intouchables) toujours aussi attachant et un François Civil (Five) impeccable, comme toujours, dans le rôle de cette Oreille d’Or en plein doute. On retiendra également la présence de Matthieu Kassovitz (Amen) qui offre ici une prestation sans effort mais suffisante pour donner de la puissance à l’intrigue. Le film est certainement la première grande sensation française et laisse espérer qu’enfin d’autres producteurs et réalisateurs se donnent l’envie et les moyens de faire un peu plus dans le genre, de prendre des risques et de ne pas se limiter à la comédie, au drame ou aux fresques historiques.