Premier film d’Antonin Baudry, ancien diplomate et conseiller en stratégie pour le Ministère de l’Intérieur, mais également scénariste de la bande dessinée Quai d’Orsay, Le Chant du loup nous plonge en immersion dans les eaux internationales pour nous faire découvrir un film d’action et d’anticipation, à bord de deux sous-marins de la Marine française.
Inspirée du jargon des sous-mariniers, l’expression « chant du loup » fait référence à une technique utilisée par les hélicoptères pour repérer la position des sous-marins. Comme son nom l’indique, cette fiction réaliste développe un avenir fictif, où le contexte géopolitique se dégrade et où des tensions entre la Russie et l’Europe menacent la stabilité internationale. De toute évidence, Antonin Baudry a ainsi cherché à partager son expérience stratégique et à nous montrer les coulisses de l’entente parfois précaire entre les nations. Pour faire vivre ce scénario d’anticipation, les caméras du néo-cinéaste nous entrainent dans les rangs de la Marine, et plus particulièrement à bord d’un sous-marin nucléaire d’attaque, le Titane ; et d’un sous-marin nucléaire lanceur d’engins, l’Effroyable. Au sein de ces fiertés technologiques de la flotte française, Le Chant du loup fait l’éloge des spécialistes de la guerre acoustique, les « oreilles d’or », dont les extraordinaires capacités auditives sont mises à profit pour écouter, analyser et identifier les sons provenant de l’extérieur des bâtiments militaires grâce au sonar. Embarqué dans les eaux profondes du globe, le sous-officier et « oreille d’or » Chanteraide se retrouve, comme ses supérieurs, dépassé par une dégradation rapide de l’équilibre internationale, sur fond de manipulations russes et iraniennes. Cette menace entraine une escalade dangereuse vers une guerre nucléaire, dont la France risque d’être la première victime. Pour éviter cette issue catastrophique, les compétences exceptionnelles de « l’oreille d’or » Chanteraide et l’engagement des hommes de l’ombre œuvrant à la conservation de la paix mondiale dans ces bâtiments presque invisibles seront cruciales.
Pour incarner ce long-métrage au cours duquel nos oreilles sont toujours aux aguets, la distribution choisie par Baudry bénéficie de figures du cinéma français, parmi lesquelles se trouvent Mathieu Kassovitz et Omar Sy. Mais c’est à François Civil qu’est revenu le premier rôle, révélé en 2016 grâce à sa participation à la comédie Five, aux côtés de Pierre Niney. Certes, le jeune comédien incarne le stéréotype du brun ténébreux sombre et mystérieux, mais sa prestation reste plus que convaincante et n’a rien à envier au talent de Kassovitz, bien que ce dernier s’emporte trop souvent dans des colères exagérées et pas toujours utiles. Toutefois, les interprétations de ce binôme se détachent et se rejoignent dans un épilogue tragique, qui est l’une des rares séquences dramatiques et captivantes. Omar Sy et Reda Kateb sont presque absents et ne semblent pas convaincus par leur personnage. Pour conclure sur le sujet de la distribution, il est regrettable de ne laisser qu’un rôle aussi mineur à Paula Beer, qui fait presque office de figuration dans la peau d’un personnage inutile pour le déroulement de l’intrigue. Et c’est le journaliste Sven Papaux qui résume le mieux ce choix scénaristique, en décrivant une sous-intrigue mollassonne pour « une romance inutile », soulignant également la sous-exploitation du talent de Paula Beer.
Tourné entre juillet et octobre 2017, principalement à Brest et dans le Var, ce drame en eaux troubles est magnifié par l’environnement oppressant mais intact des abysses. Les scènes en profondeur sont dotées d’effets spéciaux similaires aux blockbusters américains mais le scénario souffre d’incohérences et de maladresses regrettables : la rébellion de Chanteraide qui aboutit à une promotion irréaliste à bord du fleuron de la Marine, l’affrontement fratricide entre les deux bâtiments tricolores et l’escalade internationale extrêmement rapide, trop pour pouvoir en ressentir la portée dramatique. En dépit d’une scène d’ouverture captivante et des séquences angoissantes dans les abysses, le rythme est inégal et la tension trop peu présente.
Malgré ces faiblesses, Le Chant du loup parvient à cumuler 1,5 million d’entrées en 5 mois d’exploitation, atteignant des recettes d’environ 11 millions d’euros. Avec un budget de production de 20 millions d’euros, la rentabilité n’est pas au rendez-vous. Toutefois, ce premier long-métrage d’Antonin Baudry obtient trois nominations pour la cérémonie des César 2020 et transforme l’essai en recevant le trophée du meilleur son. Mais cette reconnaissance des professionnels du cinéma ne saurait estomper les défauts de ce timide Chant du loup, qui frôle le naufrage et reste péniblement à la surface grâce à la maitrise du sujet et l’expérience dans la stratégie internationale d’un apprenti réalisateur.