Loin du traumatisme épique de “Das Boot”, le film de sous-mariniers d’Antonin Baudry dégage des ambitions visibles, contrairement à ce que l’on cherche à nous faire ressentir. Pour son premier long-métrage, l’ex diplomate français prend d’assaut les recoins les plus sombres et les plus glaciaux des océans. Il offre une aventure au parfum d’action huilé et maîtrisé jusque dans son réalisme, mais il perd pied dans un travail d’écriture parfois inégal. Ce qui ne laisse pas le spectateur hors de l’eau pour autant, car l’immersion est le maître-mot de cette noble guerre que valorise l’hexagone, à savoir la dissuasion. Le réalisateur va donc puiser dans l’authenticité, malgré une fiction qui n’est pas loin de la cohérence, pour nous convaincre d’un espoir au sein du cinéma français, qui se tourne peu à peu vers l’international.
L’empreinte du blockbuster ricain n’est pas loin, mais c’est à la sauce frenchy qu’on applique certains codes, qui démarrent avec tension et brio. Le premier acte vient titiller nos sens, car par manque de visibilité, il faut laisser place à son imaginaire. L'ambiguïté de ce démarrage est sophistiquée et on ne pourrait jamais lui reprocher de nous saisir là où il faut. Ce bon équilibre est pourtant rompu, passé l’acte et tout ce qui respire à la surface flâne dans l’anecdote. Le réel défi est sonore et les enjeux de la surface ne sont que des pistons pour alimenter la problématique d’un lanceur nucléaire. Et rien de plus efficace que de mettre l’humain au centre de ces rouages mécaniques. Le décalage se sent dans les dialogues, trop formels, pour que l’on comprenne tout, mais indirectement ce qu’il fallait capter, c’est le sentiment qui se trouve juste entre le danger et la maîtrise du système. Mais comme pour tout, il existe des failles que l’on présente pour l’objet cinématographique.
Il arrive parfois que les valeurs prennent du sens et c’est ce que l’on aperçoit au second plan, où la fable militariste est en fait une tragédie grecque. Ce n’est pas la plus innovante des influences, mais cela rattrape le peu de profondeur notable, chez des personnages qui ne brillent pas uniformément, tel le microcosme que l’on cherche à nous vendre dans cet estomac de Moby Dick métallique. Il faut se forcer pour croire Omar Sy dans la peau d’un commandant sous-marinier, mais Reda Kateb enfile magnifiquement la tenue et nous confine dans son antre, jusqu’à ce que la mission soit terminée. Pour Mathieu Kassovitz, c’est un peu à double tranchant, car on ne sait pas toujours si le script abuse de théâtralité à son égard ou s’il reste suffisant sur les bords. Quant à François Civil, l’oreille d’or du récit, il évoque bien ce ton poétique que l’on relance constamment, car de nombreuses amorces ont été jetées à l’eau ou ont été avortées. Mais sa vivacité, source d’expertise et d’instinct, fait de lui un protagoniste aussi mystérieux que ces fonds marins qui ne chante que pour le malheur des hommes.
“Le Chant du Loup” est loin d’être un fonceur ou un blagueur, il cherche à se fondre dans un décor qui n’est pas le sien. Toutefois, il y parvient par vingt mille lieues sous les mers, grâce à un travail du son impeccable et envoûtant. Ce que l’on regrettera, ce sont ces élans poétiques qu’il faudra se forcer à décortiquer. Et dans ce milieu d’homme, il est aussi gênant de rappeler la présence d’une Paula Beer, tout aussi invisible que cette menace qui rapproche le film de la noyade. Mais il faudra patienter, car il lui reste suffisamment d’air pour espérer une recommandation, voire une nouvelle invitation. Baudry loin de toucher le fond, même si quelques maladresses grondent encore dans quelques phases qui s’étirent ou qui ne savent pas comment épouser les transitions. Entre la rigueur et le ludisme, pourquoi pas, embarquons !