Il serait vain de penser que cette partie pourrait s’autosuffire, contrairement au premier chapitre. C’est bien un film dans le film que Joanna Hogg nous promet, dans un dénouement où il ne reste plus que le cinéma pour épouser le deuil et le surmonter. Enchainer les deux volets est donc nécessaire, sur le fil ou à quelques jours d’intervalle, afin de récupérer la tension et la tragédie là où nous l’avions quitté. Mais l’étau se resserre également du côté de ce fameux film de fin d’étude, qui validera ou non les fractures narratives du premier film, car cette conclusion correspond bien au nœud scénaristique qui mêlera tous les hommages et toutes les pensées aux genres qui ont inspiré la réalisatrice. Celle-ci, qui a d’ailleurs brillé avec son court-métrage « Caprice », viendra non seulement feuiller les pages du scénario de Julie, mais également l’enrober du dressing en satin de ce projet qui a vu naître Tilda Swinton à l’écran.
La vie conjugale de Julie s’est renversée par l’absence de réponse et c’est à présent le moment de libérer ses émotions, à travers la caméra et les artifices mis à sa disposition, notamment des comédiens remarquables et une équipe compétente. Le cadre nous offre de plus en plus de scènes en extérieur, comme en témoigne des décors fleuris et autres idées d’un espace clos que l’on échafaude en studio. C’est la fin de l’apprentissage pour l’étudiante, qui est désormais mise à l’épreuve, où elle convoque la réalité dans sa propre fiction. Ou bien est-ce l’inverse ? C’est tout un jeu de cadre et de lumière qui opère dans son esprit, que l’on ressent encore mutilé. Elle demande le jour et la nuit dans la même scène, et à côté, son cœur bouillonne d’un rouge vif ou d’un rouge sang, au choix. La perte d’Anthony la pousse au bout de sa réflexion, au bout de son reflet mystérieux, où sa culpabilité restreint sa clairvoyance.
Pourtant, son approche est la bonne, sa délivrance est proche. Mais pour ne pas gâcher tout le suspense sur sa réparation, la réalisatrice nous rappelle ce détachement soudain du personnage avec son environnement. Ce sera encore plus fort et flagrant dans ce volet, où elle ne trouvera pas les mots pour apaiser les tensions qui règnent en elle et sur le plateau de tournage. Les parents ont également plus de place ans l’intrigue, qui ne recule devant rien, même pour distiller un semblant d’humour et de tendresse, au détour d’une poterie qui offre un refuge intime et chaleureux pour Julie. Et comme dans la peinture de Jean-Honoré Fragonard, dont le film tire son titre, Julie placera l’amour et le deuil sur le même plan. Et l’ironie de la chose réside dans le film qu’elle finalise et qui reprend énormément de la texture de « Caprice ». Ce n’est que par le mouvement ans le cadre, l’image de son imaginaire et la puissance des émotions qu’elle dégage, que Julie se fait enfin écouter et reconnaître par ses pairs.
« The Souvenir – Part II » embrase tout sur son passage, mais avec suffisamment de subtilités pour que le spectateur se laisse librement dériver avec une héroïne, une autrice galvanisante, qui hausse la voix pour les femmes muettes dans une entreprise de rêverie. Elle s’émancipe ainsi de tout le mal qu’elle couve, de tout l’argent qu’elle a emprunté, de tout cet amour qu’elle a gaspillé, mais dans le but de tout réinjecter dans un geste honorable et ambitieux. Julie renaît de ses cendres et le flambeau de Joanna Hogg vers sa jeunesse gagne à être découverte et redécouverte, tout comme sa filmographie, à commencer par ce double commentaire sur sa vie et son sens onirique du portrait féminin.