Apparemment assez réputés par chez eux mais inconnus de mes services, les frères Safdie s’étaient fait remarquer jusqu’ici avec ‘Good time’, en 2017, une tentative tardive de casser l’image lisse de Robert Pattinson (qui n’en avait plus vraiment besoin à ce stade de sa carrière). ‘Uncut gems’ nourrit le même but inavoué vis-à-vis d’Adam Sandler, qui incarne ici un diamantaire new-yorkais, prolixe, charmeur et manipulateur, aussi matérialiste qu’il est possible de l’être mais qui éprouve une admiration mystique pour les pierreries dont il fait commerce et, côté sombre, père absent, mari infidèle, parieur compulsif et qui possède un don improbable pour se propulser au bord du gouffre à chaque fois que les événements semblent prendre une tournure positive : une figure aussi horripilante qu’attachante, en somme, mais qui permet à Sandler de s’extraire des comédies un peu nazes dans lesquelles il végétait depuis de nombreuses années et au film de fonctionner presque intégralement sur sa seule présence hyperactive. Dans un New-York qu’on n’avait plus vu aussi bouillonnant depuis des années, on assiste au flux et au reflux de ces torrents de dollars qui coulent à flot, qui se gagnent et se perdent dans un même mouvement, des possibilités qu’ils ouvrent et des dangers qu’ils recèlent. Pour rester dans le milieu des diamantaires juifs dépassés par les événement qu’il ont eux-mêmes provoqué, on n’est parfois pas si éloigné de ‘Snatch’, dont il ne possède certes pas l’humour absurde mais avec qui il partage la même énergie vibrante, le même goût pour les compromis mal pensés et les plans sur la comète les plus foireux. L’ensemble peut déplaire, sa frénésie se révèle parfois épuisante, mais au moins les Safdie n’ont-ils pas oublié que dans ce genre de traitement, la ville était un personnage à part entière : sa pulsation vitale accompagne ici à la perfection les efforts désespérés des uns et des autres pour attirer l’argent à eux, pour le retenir et le récupérer à n’importe quel prix, et ils n’en profitent pas pour poser le moindre jugement facile, ni se gausser des échecs et des cataclysmes provoqués par cette éternelle soif de l’or ; simplement, ils prennent acte d’un monde devenu dingue, accro à la vitesse, aux transactions et à la mystique capitaliste.