Cela fait presque cinquante ans que William Friedkin a tourné ‘L’exorciste’. Aujourd’hui, ce légendaire film d’horreur ne fait plus peur à grand monde et surtout pas à une jeune génération tellement déchristianisée qu’elle ne pige plus grand chose aux concepts de démon et de possession mais pour Friedkin, chrétien pratiquant, rien n’a jamais cessé et il donne même l’impression, à travers ce documentaire un rien raccoleur, de chercher à justifier son intérêt pour le phénomène et la raison pour laquelle il a tourné son chef d’oeuvre le plus célèbre. Ce n’est que ces dernières années qu’il est enfin parvenu à convaincre le Vatican de le laisser filmer un véritable exorcisme, celui d’une Italienne d’âge moyen (dont c’est déjà la neuvième séance, c’est encore mieux qu’une psychothérapie!) par le père Gabriele Amorth, grand exorciste de Rome. L’obligation qui est faite à Friedkin de se faire le plus discret possible donne au résultat les allures d’un mauvais found-footage, sauf que cette fois, tout est (supposé être) vrai, bien entendu ! Le spectacle est moins impressionnant que dans les films de possession mais produit tout de même son petit effet : j’aime particulièrement l’écho guttural dans la voix de la victime du Malin, qui rend finalement beaucoup mieux que ces mêmes blasphèmes, trafiqués et remasterisés dans les productions américaines récentes : rien ne vaut les effets naturels, je l’ai toujours dit ! Bien sûr, on est plus que dubitatif, la nature même du projet le rendant, a priori, très putassier. Quant à ce qui se passe à l’écran, on a tout à fait le droit d’y voir uniquement une femme malade, victime des pressions d’un entourage crédule, et soignée par un très très vieux bonhomme en soutane qui doit sûrement passer ses derniers moments de lucidité à se demander s’il ne devrait pas vérifier si ses patientes ont un troisième téton. Bien sûr, à l'instar de l’Eglise elle-même, Friedkin interroge médecins et psychiatre afin de déterminer dans quelle mesure ce qu’il a filmé pourrait être le symptôme d’une maladie mentale ou d’autre chose, mais cela fait partie du jeu. Livre-t-il la matière brute de son expérience ? Jusqu’à quel point manipule-t-il images et montage pour consacrer une vision “surnaturelle” et inexplicable des choses ? Pas d’inquiétude à avoir, toutefois, si vous aussi vous êtes du genre à voir la queue du diable un peu partout : je suis parti à la pêche aux infos sur le Père Amorth : outre qu’il possède un nom de famille génial qui donne l’impression qu’il est guerrier/inquisiteur de niveau 16, avec réduction de 25% des dégâts de froid et de feu, l’homme m’a semblé tout à fait formel : si vous ne faites pas de yoga et ne lisez pas Harry Potter, il y a peu de chances que le Malin vous trouve à son goût !