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Loïck G.
341 abonnés
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4,0
Publiée le 26 janvier 2018
Trois amis cinéphiles sont à l’origine de cet excellent documentaire portraiturant l’un des éminents critiques de ces 50 dernières années. Ils ont suivi Jean Douchet de cinéma en cinéma, via des archives émouvantes (Henri Langlois dans sa salle) ou des reportages in situ, comme ce festival italien où Thierry Frémeaux parle de son ami avec éloquence. L’intéressé est à quelques encablures de là, toujours prêt à deviser sur un septième art qui n’a pu le consacrer derrière la caméra. Comme « je ne pouvais atteindre le niveau de ceux que j’admirais », le réalisateur s’efface, le critique apparait. Plus de 1.000 séances à la Cinémathèque, et un héritage conforté par les témoignages d’Arnaud Desplechin, Barbet Schroeder, ou Xavier Beauvois très émouvant dans la relation qu’il entretient avec celui qu’il considère comme un maître. Le portrait dynamique d’un éternel jeune premier de la critique. Pour en savoir plus : lheuredelasortie.com
Les 3 jeunes réalisateurs étaient lycéens à Enghien-Les-Bains (Val-d’Oise) et animaient un ciné-club, ce qui les a amenés à rencontrer Jean Douchet. Fascinés et séduits par sa parole, ils décident de retracer son parcours atypique au cours d’un tournage qui a duré 4 ans (au fur et à mesure des disponibilités pécuniaires) et qui a produit 60 h de « rushes » (pour une durée finale de 1h30). Critique de cinéma, Jean Douchet écrit peu et parle beaucoup, notamment lors d’ateliers de cinéma, dans les ciné-clubs et les cinémathèques depuis 60 ans. Le film débute à Enghien-les-Bains en 2008 alors qu’ils ont 17 ans. Le titre de leur documentaire vient de celui d’un scénario écrit par Jean Douchet mais qu’il n’a jamais tourné. Il est né en 1929 (il a donc 89 ans) à Arras.spoiler: Il a écrit dans « La Gazette du cinéma », fondée par Éric Rohmer (rencontré en 1949) et qui disparut en novembre 1950 au bout de 5 numéros. Il collabore ensuite aux « Cahiers du Cinéma » à partir de 1957 et côtoie Claude Chabrol, François Truffaut et Barbet Schroeder. Il y reste jusqu’à l’arrivée de Serge Daney et Jean-Louis Comolli. Il a réalisé 3 courts métrages : « Le mannequin de Belleville » (1962), « Saint-Germain-des-Prés dans « Paris vu par » (1965) et « Et crac ! » (1969) où joue Claude Chabrol. spoiler: C’est après avoir quitté « Les Cahiers du cinéma » qu’il anime des ateliers cinéma dans les ciné-clubs, passant aux spectateurs son amour (et sa connaissance) du cinéma. Il a présenté plus de 1 000 films à la Cinémathèque Française. Il a aussi enseigné à l’IDHEC devenu ensuite la Fémis, ayant eu comme étudiants Arnaud Desplechin (57 ans, sorti en 1984) et Noémie Lvovsky (53 ans). Il a aussi réalisé des « bonus » intégrés dans des DVD de films. Le producteur franco-tunisien Saïd Ben Saïd (51 ans) l'a invité sur le tournage de « Elle » (2016) de Paul Verhoeven. Xavier Beauvois, 50 ans, qui vit près d’Etretat, témoigne de sa rencontre, alors adolescent, à Calais où il découvre le cinéma grâce à lui. Il suit ses cours à la faculté de Jussieu et le considère comme son père spirituel. Il le fait d’ailleurs jouer (rôle d’un pharmacien) dans son film, « Nord » (1991), son 1er long métrage. Thierry Frémaux, délégué général du festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière de Lyon l’a aussi invité au festival Lumière. Jean Douchet habite son appartement depuis 47 ans mais n’a pas le sens de la propriété. Il s’y livre à des confidences privées : il n’a jamais été en couple et ne croit pas à l’amour mais à l’affection et l’amitié. Pour lui, la vie est mouvement. Il est filmé à l’occasion de ses 80 ans (en 2009) et où sont présents, notamment, Claude Chabrol et Barbet Schroeder. Le film est divisé en 4 parties : les ciné-clubs, le professeur, le père et le critique ; c’est un documentaire intéressant mais dont la forme n’a rien d’exceptionnelle (des images inutiles telles que des prises de vues en voiture). Un bel hommage néanmoins à un homme (sujet et objet du film) que l’on pourrait comparer à Socrate qui n’a rien écrit mais dont les propos perdurent grâce à ses disciples comme Platon. .
Ce qui est très chouette dans "Jean Douchet, l'enfant agité", c'est que les réalisateurs ont réussi à trouver la bonne distance pour faire le portrait de ce personnage hors du commun. Ils ne sont ni dans l'admiration béate, ni dans l'intimidation. Ils n'ont pas cherché à faire un biopic ou un homage pompeux. On sent plutôt qu'ils ont réussi à bâtir avec lui une amitié teintée de respect, un proximité, parfois même une intimité, qui permet au film de déployer la richesse de ce drôle de bonhomme qui a fait tant aimer le cinéma à plusieurs générations (et qui continue à le faire, toujours dans l'enthousiasme, malgré son grand âge).