Il a beau être pétri de bons sentiments et cousu de fil blanc, il est impossible de ne pas ressentir de la tendresse pour la comédie humaniste de Javier Fesser. On peut lui faire tous les reproches possibles, au final, on sera toujours heureux d’avoir vu ce film espagnol, d’avoir partagé deux heures de la vie de ces jeunes et de ses moins jeunes en voie de sociabilisation, et qui se trouvent (et se retrouvent) grâce aux valeurs toutes simples du sport. Javier Fesser réussi une comédie drôle sans déraper vers le pathos et sur un sujet comme le handicap mental, c’est un écueil qu’il est parfois très difficile d’éviter. Bien-sur , on aura un peu la larme à l’œil sur la fin mais rien de commun avec le torrent de larmes que j’ai versé à la fin du « Huitième jour », film que je n’ai jamais pu revoir un deuxième fois précisément à cause de cela. Ici, on est dans la comédie pure, avec évidemment un vrai message en toile de fond mais sans misérabilisme. Le film est bien tenu, il passe bien malgré une durée qui approche les deux heures pleines, la musique (souvent à base de fanfare) est omniprésente, assez forte, elle appuie terriblement les effets mais bizarrement, ici, ça fonctionne alors que d’habitude, ça a le don de m’énerver. Mais dans une comédie, on peut jouer avec la musique sans que cela gâche le plaisir, ce n’est pas comme dans un thriller où une musique omniprésente tourne vite au ridicule. Le match de fin, évidemment point d’orgue de l’histoire, est filmé de façon dynamique et agréable, peut-être dure t-il un tout petit peu trop longtemps mais ce n’est pas bien grave. Le reste du travail de Javier Fesser est assez académique et plutôt efficace. Le film doit beaucoup à ses acteurs non professionnels, qui nous offrent une performance remarquable. Je n’aurais pas la prétention de dire ici qu’il est plus ou moins difficile pour un handicapé mental de jouer la comédie, je ne voudrais en aucun cas porter un jugement que quelque chose que je ne connais pas mais force est de constater que tous semblent à la fois s’amuser et composer des personnages cohérents, écrits, parfois complexes et qu’ils le font avec cœur et avec talent. Et puis au centre de tout cela, il y a Javier Gutierrez. Cet acteur m’avait déjà impressionné, dans un registre très différent, dans son rôle de policier franquiste dans « La Isla Minima ». Dans « Champions », il prouve qu’il peut incarner un type parfaitement détestable et nous le rendre quasi immédiatement attachant (c’est aussi ce qui était plus ou moins arrivé avec « La Isla Minima », quand on y pense !). Le chemin que son personnage entame avec cette équipe pas comme les autres a beau être bien balisé, sans surprise et sans cynisme, on est heureux de le voir s’attendrir comme un bon rumsteck au contact de gens simplement un tout petit peu différents, mais pas tant que cela… Le scénario de « Champions », je l’ai dit, est sans surprise et on sait d’emblée, dés les premières minutes, où il va nous emmener.
Tout y est, le type imbécile qui méprise les handicapés mentaux et qui va s’attacher à eux, le couple en pleine déliquescence qui va se rabibocher, l’entraineur viré qui se remet à briller aux yeux de la fédération de basket, tout y est, rien ne manque. C’est vrai qu’on aurait adoré un tout petit plus d’audace dans le scénario, un rebondissement inattendu, un message un peu plus fort, une petite entorse au cahier des charges, on ne désespère pas de la voir arriver et elle n’arrive jamais, c’est un tout petit peu dommage.
Mais il ne faut pas être cynique devant de genre de film, le message de fond est très puissant, il ne faut peut-être pas trop en attendre. Le film prouve que le sport, et plus particulièrement le sport d’équipe, peut-être un vecteur d’intégration social et d’estime de soi, que l’on soit handicapé mental, physique, ou handicapé de la vie et ses sentiments comme l’est le personnage de Marco. Il y a quelque chose d’éminemment respectable dans le sport collectif tel qu’il est montré dans « Champions », que ce soit au niveau amateur ou professionnel, une équipe c’est presque une seconde famille, avec toutes les valeurs qui vont avec. Au passage le film montre, toujours sous l’angle de la comédie, la difficulté pour les handicapés mentaux de se sentir appartenir à une société qui les accepte. La scène du bus, filmée comme une comédie et même comme une farce au début, finit par rendre compte de quelque chose de bien moins drôle, de bien plus douloureux au final : ils dérangent, on veut les mettre dans des endroits spéciaux, ne pas les côtoyer, ne pas leur parler, ne pas les entendre, et même ne pas les voir. Si cette scène du bus peut nous mettre mal à l’aise sous ses airs de comédie, c’est qu’elle nous renvoie à notre attitude à nous face au handicap mental et que personne n’est à l’aise avec la différence. Le film a aussi une qualité, c’est d’évoquer le scandale de la médaille d’or des Jeux Paralympiques de 2000 à l’occasion de laquelle la fédération espagnole s’était couverte de honte en alignant des joueurs non handicapés pour obtenir « facilement » une médaille. Au final, même très prévisible et gavé de beaux sentiments, « Champions » reste un joli film sur la différence, sur le sport, un film humaniste et qui mérite bien qu’on y consacre deux heures, à voir en VOST « por favor », garanties sans pathos !