Laurent Tirard propose une comédie romantique en costume « à l’ancienne », et l’on est avec « Le Retour du Héros », bien plus proche des films des années 70 de Philippe de Broca avec Jean-Paul Belmondo que du « Retour de Martin Guerre », c’est certain… En resserrant son film au maximum (90 minutes, pas une de plus), en ne laissant jamais ou presque l’action ralentir, en illustrant son film avec une musique un peu « western » pour jouer un petit peu le contre emploi, Tirard fait la preuve de sa maîtrise du sujet. C’est un film enlevé, avec beaucoup d’humour et sans la moindre molécule d’ennui, qui se paye le luxe de quelques minutes dramatiques sur la fin (mais vite désamorcée par un gag, parce qu’il ne faudrait pas faire trop pleurer sur les horreurs de la guerre, quand même…). On est clairement dans une comédie romantique en costume avec tout ce qui va avec : des situations improbables, des quiproquos, du comique de situation (la scène dans les bois) avec un soupçon de grivoiserie pour épicer un peu le tout. « Le Retour du Héros » ne prend personne en traitre, il ne trompe pas sur la marchandise et il est parfaitement calibré pour un dimanche soir sur TF1. Mais il ne surprend pas beaucoup non plus et le scénario, assez téléphoné, nous réserve quelques rebondissements qu’on voit venir d’assez loin. Comme toujours dans de genre de film, il y a une romance improbable, un héros à la fois attachant et pathétique, des seconds rôles sans grande nuance, un affrontement final censé marquer l’apogée de l’intrigue et une fin en forme de clin d’œil. « Le Retour du Héros » coche toutes les cases : on s’amuse à faire semblant d’y croire, on ferme les yeux sur les anachronismes et les aspects improbables de certains personnages, on se contente de savourer les répliques et le jeu de Jean Dujardin sans trop en demander. Ca tombe bien remarquez car on en obtiendra pas plus ! Je passe pudiquement sur le côté « féministe » d’un film se situant à une époque de misogynie absolue (et qui peut croire que dans une famille aisée de notables on laisse une fille ainée choisir de ne pas se marier juste parce qu’elle n’en a pas envie !),
sur la présence de cosaques à Arnay-le-Duc en 1812 (à vérifier quand même)
, sur l’humour parfois un peu facile et « premier degré » du film. En choisissant d’aller voir « Le Retour du Héros », il faut aussi choisir d’être indulgent. On peut presque choisir d’aller voir ce film juste pour Jean Dujardin, ce qui serait déjà une bonne raison. On dit souvent qu’il y a du Belmondo dans Dujardin et il le démontre sans problème dans « Le Retour du Héros » : lâche et courageux à la fois, séducteur et menteur, il emporte le morceau sans forcer son talent, juste en étant lui-même. Il cabotine peut-être un petit peu dans certaines scènes, mais ça fait parti de son personnage et aussi de ce qu’on aime chez lui. Pour ce qui est de Mélanie Laurent, en revanche, je suis nettement moins convaincue. Pourtant, je l’aime bien Mélanie, mais dans une comédie pure, dans un film où elle est censé en faire un peu « des tonnes » elle ne parvient pas à s’imposer. Comment dire, dans quelques scènes son jeu sonne faux comme si elle forçait sa nature, particulièrement quand elle est censé s’énerver ou faire la fofolle : on n’y croit pas. Les seconds rôles sont plutôt bien tenus, Noémie Merlant en tête. Quant à l’histoire en elle-même, elle se laisse suivra sans déplaisir même si on devine vite où elle va nous emmener. Le scénario se situe à la fin de l’Empire, quelques années avant la chute de l’Empereur et déjà, au travers de quelques scènes, on devine cette ambiance de fin de règne qui se profile. Neuville a déserté devant l’horreur des combats en Autriche et tente de ressembler à ce héros qu’il est censé être, qu’il aurait adoré être. Peu à peu, à force de raconter des bobards plus gros que lui, il commence à croire qu’il pourra éternellement tromper son monde, l’escroquer avec une arnaque « en forme de Pyramide » et même lorsqu’il est acculé, il réussi à s’en sortir par une pirouette. La fuite en avant dans le mensonge, ici abordée sous le couvert de la comédie, est toujours quelque chose d’efficace et de fascinant au cinéma. Jusqu’à quel point peut-on croire aux mensonges qu’on raconte ? Pourquoi s’obstiner à mentir alors que l’on sait que l’on sera un jour démasqué ? Que se passe-t-il dans la tête de celui qui ment effrontément et de plus en plus ? A sa façon burlesque, « le Retour du Héros » évoque en nous cette fascination universelle pour le mensonge, car nous mentons tous, et souvent, et depuis l’enfance. On aurait apprécié dans le film de Laurent Tirard un tout petit peu plus de psychologie dans le personnage de Neuville, on aurait pu mieux le cerner si on avait su ce qu’il était avant de partir en Autriche, était-il déjà un menteur, ou est ce les circonstances qui le poussent à faire preuve de créativité en la matière ? C’était surement trop demander à une comédie formatée comme « Le Retour du Héros », c’est un petit peu dommage mais ça n’enlève rien au plaisir gourmand que l’on prend devant ce film enlevé et pétillant comme un bon Crémant de Bourgogne !