Quelque-part entre la bouse et le chef-d'oeuvre.
► L'aspect "thriller / épouvante" tombe presque complètement à l'eau, malgré des débuts soignés pour faire monter la tension et quelques scènes un peu dérangeantes par la suite. Leur côté dérangeant tient à ce que le gore ( assez allégé quand-même, on n'est pas dans une expo de viscères non plus... ) est un peu trop télécommandé et gratuit, et ne vient pas toujours des personnages d'emblée épouvantables. Les "héros" aussi semblent parfois bien cruels dans leur riposte...
Cette forme d'inversion de valeurs va davantage pousser au questionnement sociétal/politique sous-jacent derrière le film, et le frisson éventuellement provoqué va plutôt venir de là ...Que de l'attachement aux personnages ou qu'à l'immédiateté d'un danger par lequel ils seraient menacés et, par projection, nous avec... Côté immersion horrifique, en effet, passé le début qui est réussi, ça devient vraiment de la bouse, même si à la limite, quand ce n'est pas dérangeant, ça peut faire rire... Et donc on ne passe pas forcément un mauvais moment non plus.
► L'aspect sociétal / politique, lui, n'est pas dénué d’intérêt : La "révolution" de ces doubles "au rabais", qu'elle se fasse par le prisme individuel ou collectif interpelle clairement sur la Lutte des classes, sur le déclassement, sur la mixité... Si on regarde l'oeuvre dès le début en connaissance de cause de ce prisme de lecture, elle prends alors une signification. Sans ça, le film n'a juste aucun sens, et on peut du coup comprendre pourquoi tant de gens venus pour une épouvante teintée de sociétal lui donnant davantage de profondeur ( comme précédemment dans "Get Out" ) ne comprennent pas l'intérêt de ce qu'ils regardent, à savoir du sociétal teinté d'une épouvante lui donnant davantage de "sex-appeal".
► Enfin, il y a l'aspect surréaliste... Complètement à double-tranchant ! Les clins d’œil à Alice au Pays des Merveilles, la dualité,... On peut apprécier les nombreuses originalités et leur mise en scène, bien léchée, qui réservent des surprises.
...Sauf que... Ben c'est tellement surréaliste que, n'y croyant pas du tout on se détache automatiquement du film par lequel on était encore pris tant qu'il semblait chercher un réalisme convainquant pour nous impliquer dans l'épouvante.
Les explications supposées rationaliser les choses les rendent encore plus absurdes... Alors, là encore, c'est peut-être voulu. C'est tellement grotesque que comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs ? Compte-tenu du véritable sujet, monter l'absurde en épingle a peut-être du sens : La réalité dénoncée n'est-elle pas complètement insensée ? Dans notre réalité, n'essaye-t'on pas de nous faire gober d'effarantes inégalités en les rationalisant ( derrière "le mérite", "l'autorité naturelle" ou autre ) ...Alors que tant d'inégalités entre alter-egos c'est juste grotesque... En étant aussi absurde que la réalité qu'il entends dénoncer, le film ne tape pas forcément à côté, en fait... Loin de là, même... Sauf que ça... Combien de gens des classes moyennes, venus débrancher leur cerveaux après une journée de taf vont accepter cette radicalité néo-marxiste dans un film pop-corn ? Pas forcément une majorité démocratique, même si la note moyenne d'Allo Ciné tape juste au-dessus de la moyenne...
☼ Donc, clairement, je comprends aussi bien les gens qui mettent une demie-étoile en se demandant, gênés, si on s'est moqué d'eux... Que ceux qui y ont vu une oeuvre méritant 4 étoiles ou parce qu'au moins il y a réellement une prise de risque, finalement pas si irrationnelle que ça, si on prends le temps d'y réfléchir. Je ne peux donner tort à aucun d'entre eux.
Encore une fois, tout dépends de ce que l'on espère voir et de notre capacité à nous adapter au changement de programme et à la marginalité de la méthode cinématographique... Pour ma part, j'adore l'épouvante, les sujets de société politisés poussant à la réflexion, et aussi le sur-réalisme et les prises de risques... Mais je ne m'attends pas à ce que tout cela puisse fonctionner "en même temps" dans un même film... Donc, je vais me contenter de mettre une note moyenne, parce qu'au bout du compte, même en ayant apprécié le film, il me reste cette sensation bizarre que la mayonnaise n'arrive jamais à prendre complètement et qu'aucune de ces trois thématiques ne parvient complètement à amener de la dynamique aux deux autres ! Le liant ne fonctionne pas, comme il fonctionnait par contre dans "Get Out"...
Au contraire, ici, chacune de ces thématiques devient un peu le boulet des deux autres... Sans jamais non plus complètement leur nuire, ce qui oblige un peu à rester jusqu'au bout ; mais insatisfait.
Outre la mise en scène soignée, on peut dire que les acteurs sont plutôt bons ( un peu comme le reste, parfois excellents de réalisme, parfois absurdement grotesques de sur-jeu ) , le rythme a ses ratés mais ça va on ne s'endort pas et on a quand-même un peu envie d'aller plus loin voir où ça mène... Mais petit à petit, il y a comme une distance qui se crée avec les personnages et cette intrigue invraisemblable qu'on a encore plus de mal à accepter qu'un conte fantastique qui ne chercherait pas à se justifier... On a une distance imposée progressivement par le vrai sujet du film, alors qu'on essayait justement au contraire de "rentrer" dans celui-ci, en somme ...Or, c'est là où il y a finalement un guet-apens : Cet aspect grotesque/satire qui émerge massivement n'est pas du tout celui plus intimiste codifié réaliste/fantastique qui est "vendu" pendant toute la première partie du film, donc les amateurs d'épouvante ne peuvent que lâcher en route en se sentant carrément floués et en se demandant "quel est le projet" ! Or, malheureusement... C'est probablement le public qui se sera le plus déplacé pour ce film ...A moins que ce ne soit justement le but du réalisateur ? Faire la morale à son public au sujet de l'épouvante, un sujet un peu laid et pas sérieux, alors que lui voudrait faire de l'artistique sérieux ? Difficile à dire, parce que par moment le réalisateur semble quand-même bien s'amuser, lui aussi, avec l'épouvante ! :P