"Us", second film de Jordan Peel (réalisateur de l'excellent "Get Out" salué par la critique car renouvelant habilement le cinéma du genre) dresse l'histoire d'une famille afro-américaine harcelée par ses doubles maléfiques, sur fond de problématiques psychologiques et sociales.
Le cinéma est un art d'écriture, de photographie et de son. Si "Get Out" en est une perle, "Us" en illustre les pires travers.
Ce film est une démonstration exemplaire de l'autosuffisance artistique. Il donne à l'esprit l'image d'une pauvre petite création creuse et famélique, s'agrippant avidement aux pieds de son maitre qu'elle souhaite à tout prix égaler (Get Out).
Concrètement :
La première demi-heure est intéressante car elle reproduit avec succès l'ambiance de "Get out" (colorimétrie parfaite, plans originaux et regards hallucinés) tout en s'installant dans un contexte et des enjeux différents.
Encore une fois, le réalisateur développe avec habileté les mécanismes d'une peur peu représentée au cinéma, à travers la contemplation, l'étrangeté et l'hallucination silencieuse.
Et puis là, le drame.
La montée en puissance horrifique (propre à certains chefs d'oeuvres tels que "Shining" ou "It follows" ) est désamorcée par une confrontation avec les "doubles" trop rapide, desservie par une écriture approximative. Elle en devient ridicule à mesure que le film s'enfonce dans la parodie et la mise en scène fallacieuse.
Pour faire simple, les idées originales sont désamorcées par la prévisibilité du scénario et par la bassesse générale du propos.
En effet, si la réalisation du film accumule les références aux pépites du genre telles que "Scream" et "You're Next" (l'attaque de la maison), "Shining" (la B.O constituée de musique classique et d'aigus infernaux), "Psychose" (la violence physique sourde et suggérée) ou encore "l'Exorciste" et "Silent Hill" (les mouvements désarticulés et profondément angoissants), elle ne fait qu'en vomir un condensé fade et dépassé avant l'heure, en se camouflant derrière le masque de la cosmétique et du symbolisme.
Les plans (objectivement esthétiques) volontairement lents, se voulant pesants et lourds de sens, sont finalement trop longs et terriblement vides (Coucou "The neon démon" ahahah). Ils en deviennent pédants et ridicules.
Et oui Jordan, nous ne sommes pas dupes. Si pour certains le symbolisme et/ou la dénonciation
(oh mon dieu, le blanc a un plus gros bateau que le noir) (L'enfant brulé porte un masque sur son visage comme pour cacher sa souffrance)
suffisent à porter des films et séries au rang de chef-d'oeuvres ("Moonlight", "Vol au dessus d'un nid de coucou", "La nuit du chasseur"..), encore faut-il que cela soit fait avec talent, sans s'embourber dans un style puant d'autosatisfaction, et de clichés grossiers.
A propos des clichés, ce film met les pieds dans le plat. De la simple peinture des classes/ethnies
(les blancs et leurs enfants parlent fort, font des blagues et se prélassent dans leurs penthouses pendant que les noirs peinent à démarrer leur vieux bateau moteur et écoutent du rap dans la voiture
), aux plus profondes problématiques de notre société
(la question du clonage, de l'éthique, de la jalousie humaine et de l'injustice)
, tout est fait pour éveiller le pathos et la compassion du spectateur, au détriment de vraies interrogations.
Notez quand même que les acteurs jouent admirablement bien).
Pour conclure (parce que ma critique est trop longue et que je ne veux pas perdre autant de temps que lors du visionnage), je pense que ce film est symptomatique des standards culturels de certains individus de notre époque, bercés au culte de l'image et à la pop "pseudo" culture (coucou Konbini, instagram, Childish Gambino et les séries Netflix), glorifiant la forme au détriment du fond, l'esthétique au détriment de l'authenticité et la facilité d'accès au détriment de la vraie réflexion.
Si le réalisateur à produit une perle avec "Get Out", il s'est finalement perdu dans les limbes d'un cinéma bas de propos (Xavier Dolan, 90% du cinéma français actuel), ovationné par le peuple car le peuple est devenu incapable de dissocier la valeur d'un objet à la valeur d'une société.
PS : Je préfère largement regarder un Marvel et écouter du Jul, ils se prennent pas la tête et sont transparents sur ce qu'ils proposent, contrairement à cette bande de pseudo intellectuels qui se complaisent à croire qu'ils vont changer le monde dans le fond de leur appartement du 16ème arrondissement.