On peut comprendre que ce ne soit pas évident pour tout le monde, mais pour moi - et pour ma femme qui n'est pas toujours de mon avis - ce film est un chef d’œuvre absolu. Et il me semble que ce que certains lui reproche, ce sont justement ses qualités.
Le sujet est dur, dérangeant : il n'est pas facile d'accepter l'idée qu'un accident pourrait nous laisser, nous ou quelqu'un de nos proches, dans l'état où nous voyons, crûment, sans littérature,le personnage admirablement joué par Nicolas Duvauchelle. Mais c'est pourtant vrai. Notre aptitude au jugement moral, la composante notre identité dont nous sommes le plus fiers, celle qui nous distingue, croyons-nous, de l'animal, est aussi fragile que ça. Et lorsqu'elle est perdue, pour longtemps, peut-être pour toujours, comment peut-on encore nous aimer ? Là encore, Marion Vernoux refuse la littérature. Elle montre. Les deux femmes qui aimaient cet homme, chacune à sa manière, continuent de l'aimer, à leur manière, comme elles peuvent, sans se poser de question. La mère en cherchant à se le réapproprier, "normalisé", aux yeux de sa dévotion de Polonaise catholique, par la castration chimique, légume, comme dira le médecin. L'amante en "faisant avec", tel qu'il est, hors de tout conformisme moralisateur. Ce n'est pas une intellectuelle, pas une romantique, son amour pour lui est instinctif, animal, fataliste. Elle ne se pose pas de question, elle ne se demande pas si ce qu'elle fait est son devoir, encore moins si c'est admirable. Elle veut le garder, en faisant ce qu'elle peut, comme elle peut parce que c'est comme ça, c'est son homme, quoi qu'il arrive. Une fille comme il en existe des tas, et c'est sans doute cette sorte d'animalité chez une fille d'apparence tellement normale, et même normalement jolie et fragile pour son âge, ce qui gêne certains spectateurs. C'est le choix courageux de Marion Vernoux et Ana Girardot l'interprète aussi justement, avec le même naturel, la même crédibilité que son partenaire. Le film n'est pas fait pour que vous l'aimiez, il est fait pour vous faire prendre conscience d'une réalité dérangeante. Et les autres personnages, autour d'eux, sont montrés avec le même réalisme : indifférents ou amicaux, capables d'empathie dans la mesure où cela ne leur coûte pas trop, ça fait partie du constat.
J'ai pensé à Zola, et à Pialat, qu'on a aussi beaucoup critiqués.