Je viens de voir le film Djam et je suis encore sous l’enchantement. Tony Gatlif nous emmène dans un de ces voyages dont il a l’habitude, et comme souvent son moyen de transport préféré est la musique. Et l’actrice, l’incroyable Dafni Patakia est le moteur parfait qui nous entraîne, par sa jeunesse, son enthousiasme, sa beauté et sa liberté. Liberté, c’est le mot de la fin : dans la dernière chanson, « Gel kaïxi » (Viens batelier), chanson très connue en Grèce, chantée sur le bateau qui part vers une destination inconnue, on parle d’un bateau venu chercher une jeune femme esclave d’un harem de Constantinople : « esclave dans sa cellule, elle cherche sa liberté » disent les derniers vers. Et la chanson résume parfaitement le film avec ses paroles en turc et en grec, comme dans d’autres passages musicaux où les mots turcs et les mots grecs se font écho, démontrant l’unité de culture, de sensations et de sentiments de ces deux peuples si longtemps opposés.
Et derrière tout cela les migrants, l’exil. Les Grecs ont pour dire exil un mot que l’on a du mal à traduire : xenitia, dérivé de xenos, étranger. Peuple d’exilés, qui accueillent du mieux qu’ils le peuvent les exilés de Syrie ou d’ailleurs. C’est une leçon à méditer pour nos égoïsmes occidentaux : et la jeune Française ressent ce choc devant les carcasses de bateaux et les gilets orange abandonnés. Elle en tirera une leçon qui donnera enfin un sens à sa vie. Il faudrait montrer à tous les Français cette image. J’espère qu’elle nous amènerait à réfléchir.
J’ai aussi beaucoup aimé ces paysages de la Grèce du nord en hiver, qui font penser à certains films d’Angelopoulos (Paysage dans le brouillard, l’apiculteur entre autres). Et les personnages rencontrés comme le père et le fils désespérés. C’est cela la Grèce, la crise, le désespoir, la tragédie, mais tempéré par ce sens de la vie que rien ne semble pouvoir ébranler : un verre d’ouzo, une chanson, un baglama, un sourire de femme... Merci Tony, Daphné, Simon et les autres.