Duelles de Olivier Masset Depasse
Gagné ! Superbement. Le film est passionnant, à tous égards. Peut-être faut-il d'abord en souligner la réussite formelle, la beauté de " l'écriture cinématographique "ou, pour le dire plus simplement, l'image, les cadrages, le montage.
Il y a un choix " chromatique " très intéressant qui aide, pour beaucoup, à la restitution des années 60. Et les tonalités tantôt chaudes, oranges, lumineuses, tantôt bleutées, glaciales, qui participent avec subtilité aux moments du films qui sont très contrastés, et qui s'enchaînent de façon non prévisible. Dans cette très belle image de Hichame Alaouié, très travaillée - ce qui donne un cachet très fort au film - les personnes, les éléments, sont mis en place de façon particulièrement attentive.
Nous retrouvons avec délice les utilisations de focales diverses, les mouvements d'appareil (soyez attentifs à ceux qui accompagnent les dames qui s'allongent ou se couchent) les déplacements de caméra qui se retrouvent chaque fois dans le bon angle, dans la bonne lumière, qui montrent avec force ce qui doit être vu.
Il me semble que ce soin minutieux à " cadrer " l'histoire (au sens premier de la prise de vue, mais aussi de la maîtrise de son déroulement) procure à lui seul, une large part du plaisir du spectateur.
Mais c'est aussi un film à regarder avec les oreilles. La musique, omniprésente, de Frédéric Vercheval m'a paru exceptionnelle. Les esprits grognons la qualifieront d'envahissante. Elle est en effet presque incessante, mais contribue d'une façon brillante à créer les tensions et le suspens qui parcourent le film de façon lancinante, comme un interminable frisson.
Car cette histoire de deux " happy family " qui habitent deux maisons jumelles, semi-attachées, pourrait être banale. Toute la construction du récit nous réservera cependant des événements qu'une sérieuse dose d'adrénaline aidera à surmonter. Les deux pères sont simplement parfaits. Le gosse joue sa partie avec conviction et c'est impressionnant dans les scènes " tendues ". Il faut dire le plus grand bien des deux actrices qui portent littéralement le film. Oui, nous les connaissions excellentes. Anne Coessens est indéchiffrable, ténébreuse et radieuse, elle porte un mystère qui semble insondable. Souvenez-vous d'elle dans Cage. Veerle Baetens est souveraine, d'une intensité qui ne faiblit jamais, pas un seul plan d'elle qui ne frappe.(Une mention toute spéciale pour sa coiffeuse qui a fait un travail d'orfèvre !) Elle avait convaincu déjà dans Alabama Monroe, (The Broken circle breakdown), D'Ardennen, parmi de nombreux autres rôles.
Le réalisateur avait été très convaincant avec ses deux précédents films, Cages et Illégal et l'on sent son plaisir à utiliser les (très beaux) décors, les toilettes des dames (très belles) dans des décors des années 60 avec les codes visuels du suspens classique à l'américaine. L'utilisation des non-dits, des regards, des coïncidences, des interprétations contradictoires, antagonistes, nourrissent un ambiance psychologique dont on ne sait si elle est ludique ou inspirée par les grandes frayeurs inhérentes à tous parents. C'est du cinéma belge tout ça !