Largement primé lors de notre nombriliste cérémonie des Magritte, je m’attendais à une pépite, comme l’un des nombreux ovnis traversant le ciel audiovisuel belge. J’ai été déçu. Entendons-nous: l’oeuvre recèle quelques très, très belles facettes, mais celles-ci ne s’emboîtent pas pour former un joyau. L’image, la diégèse années ’60, la lumière, l’interprétation brillante de Veerle Baetens, en mère et voisine dévouée mais soupçonneuse, la performance du jeune Jules Lefebvre, enfant sujet d’une mystérieuse convoitise, et le jeu d’Arieh Worthalter, terriblement convaincant en père endeuillé, ainsi que l’intrigue finement cousue dans son dévoilement progressif et ses rebondissements, sont autant d’éléments tirant vers le haut cette tragédie de voisinage explorant le thème familier des relations de classe moyenne, de jardin à jardin, d’amitiés enfantines engendrant les liens de parents à parents, de bienveillance entendue et confortable… jusqu’à ce que…. jusqu’à ce que….
Anne Coesens elle-même est hors de cause, tant elle parvient d’une seul regard à enfanter le doute, et à l’avorter aussitôt d’un autre balayage de cils, le tout dans une maitrise confondante. Mais alors qu’est-ce qui cloche ?
L’écriture cloche. Elle pèche par manque de mordant. Les dialogues ont quelque chose de désincarné dans la phase cruciale du démarrage du récit. On espère entrer de plein pied dans une histoire, une vie privée, des identités, des caractères, des situations familières, des singularités, des petits bouts de phrase crédibles; on veut se raccrocher à des références culturelles justifiant le choix de cette époque colorée, mais tout est lisse, policé, sans saveur. Le texte a un je ne sais quoi de scolaire, de plan-plan. Il en découle un jeu d’acteurs rigoureux et sobre, mais sans quotidienneté, sans identité, sans culture. Cela pourrait provoquer une gène, un malaise fertile, une fascination. Mais à la place nait une forme d’ennui dubitatif. On se demande ce qu’apporte les années 1960, à part pour faire visuellement « comme » Toto le héros. On se demande ce qu’apporte les tabliers d’écolier, les mises-en-pli et les robes fuseau, à part détourner le regard du spectateur façon « Regardez ici » pour ne pas trop regarder ailleurs?
Pour les reste l’intrigue est palpitante par sa tournure unique et inattendue; les personnages sont troublants par leur profils à double tranchant, mais c’est bel et bien la belgian touch elle-même qui tombe ici un peu à plat. J’ai décroché à maintes reprises.