Benedetta est inspiré d’un fait historique de l’Italie du XVIIe siècle qui a conduit au bûcher la mère supérieure d’un couvent pour saphisme. Le livre de l’historienne Judith C. Brown « Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne » a servi de base au scénario. Le film met en perspective la religion, la condition féminine et la sexualité, des sujets récurrents du sulfureux réalisateur Paul Verhoeven.
Entrée au couvent en 1599 à neuf ans, en pleine épidémie de peste en Italie, Benedetta Carlini, issue d’une riche famille toscane, est prise de crises mystiques et devient une des sœurs les plus influentes. Quand arrive une jeune novice, celle-ci la séduit et l’entraîne dans des jeux interdits. Benedetta continue à avoir des visions et reçoit les stigmates du Christ. Jusqu’à ce que le Nonce (évêque ambassadeur du Saint-Siège) se rende sur place, averti des "déviances" de la none, incrédule à ses miracles.
Benedetta est plus près du « Nom de la Rose » de Jean-Jacques Annaud que du « Ida » de Pawel Pawlikoski ou des « Innocentes » d’Anne Fontaine pour ne citer que ces deux films de religieuses, relativement récents et que j’avais particulièrement aimés.
Paul Verhoeven se détache du satanisme, ce qui donne à son film un caractère plus sociétal. Il traite ainsi de front les thèmes contemporains de "l’amour d’en-face", de la foi, des excès fondamentalistes et de leur emprise sur les populations, alors que la grande peste (1347-1690) fait écho à la pandémie actuelle (le film a pourtant été tourné avant). La crudité est l’image de marque du "Hollandais violent" qui filme sans détour les corps en extase ou torturés, ce qui lui vaut l’attribut de provocateur.
Paul Verhoeven prend néanmoins du recul pour raconter cette invraisemblable histoire, en lui injectant un humour au second degré auquel le public est sensible, où le grotesque avoisine les envolées lyriques, les râles de jouissance les cris de détresse.
Piquante évocation du godemiché, en bois réalisé par le jeune novice Bartoloméa à partir de la statuette de la vierge de Benedetta…les tabous sont allègrement brisés…de l’amour lesbien à la défécation…le film enchaine les épisodes sur un rythme étourdissant… scènes de flagellation, passage de la comète, suicide, bucher prêt à servir…Personnellement je n’ai pas vu passer les 2h11 du film…exactement la longueur du « Nom de la Rose » !! qui m’avait fait le même effet...
Dans le rôle de Benedetta, Virginie Efira aurait pu recevoir le prix d’interprétation au dernier festival de Cannes, Charlotte Rampling est remarquable en mère supérieure digne et suspicieuse, pendant que Lambert Wilson déploie une vindicte tout en pugnacité.
Je n’avais pas aimé « Elle » le précédent film de Paul Verhoeven, mais avec « Benedetta », son sujet sulfureux, sa sensualité et sa violence graphique, il signe une de ses œuvres majeures.