J'avais adoré le livre de Chantal Thomas. Quelle cruauté dans le destin de ces petites princesses, réduites à l'état de monnaie d'échange, de pions qu'on déplace au gré des nécessités de la grande politique....
C'est Marc Dugain, décidément un homme qui sait tout faire, qui met le livre en scène et qui réalise une somptueuse tapisserie au petit point, où tout est splendide: costumes, décors...
Le roué, ambitieux et calculateur Philippe d'Orléans, Régent pendant l'enfance de Louis XV qui termine cette succession de morts prématurées dans la descendance de Louis XIV, élabore ce plan subtil qui consiste à marier le jeune roi à une infante d'Espagne, donnant en échange une de ses filles, Louise Elisabeth, au dauphin espagnol. Le roi d'Espagne Philippe V étant lui même un petit fils de Louis XIV, (ce qui n'avait pas plu à tout le monde et donné lieu à la guerre de succession d'Espagne), il s'agissait de resserrer encore les liens entre les deux nations.
Je dois dire qu'en dépit de son immense talent de comédien, et de l'air parfaitement faux jeton qu'il sait arborer, j'ai eu du mal à voir Olivier Gourmet, grand spécialiste des rôles d'honnête homme, dans la peau de ce débauché, noceur et très probablement père incestueux!
Quant à Lambert Wilson, il est magnifique dans le rôle de Philippe (dont la bigoterie rappellerait plutôt Philippe II!), roi velléitaire dominé par sa femme l'ambitieuse Elisabeth Farnèse (Maya Sensa
Quand a lieu cet échange de princesses, Louis XV a 13 ans, Luis d'Espagne 15, Louise Elisabeth de Montpensier 12, et la petite infante Marie-Victoire....4! Carrosses et escortes se croisent à la frontière, où les petites filles sont totalement dépouillées de leurs vêtements, jouets, animaux domestiques.... nues car désormais elles appartiennent toutes entières au pays qui les a achetées. Vous imaginez ce que cela signifie de priver une petite fille de 5 ans, après l'avoir arrachée à toute sa famille, de ce qui lui reste: sa poupée....
Mais Marie-Victoire, qui va séduire la cour de Versailles et la princesse Palatine en particulier (Andréa Ferréol) est une petite fille très raisonnable, déjà investie de sa fonction, et prête à aimer éperdument cet ado qui va être son mari. Ils ont trouvé en Juliane Lepoureau, une poupée aux grands yeux bleus marine l'interprète idéale... Je suis moins convaincue par le reste de la distribution enfantine. Kacey Mottet Klein donne de don Luis l'image d'un crétin parfait, amoureux compulsif mais incapable de passer à l'acte. Anamaria Vartolomei n'a pas l'âge de Louise Elisabeth dont elle fait une espèce d'ado rebelle, mal élevée (même si on ne donne pas cher de l'éducation des filles du Régent...), il lui manque juste un chewing gum et un piercing. Quant à Louis XV (Igor Van Dessel) c'est un petit garçon sérieux, mal entouré par de jeunes débauchés et qui a eu une enfance terriblement solitaire, sans affection à part celle de sa maman-Ventadour, sa tendre gouvernante qui le protège comme une lionne mais va désormais avoir en charge Marie-Victoire. Catherine Mouchet est excellente.
En conclusion c'est un bon film, intéressant et qui devrait donner envie de lire (ou de relire) le roman, mais qui souffre sans doute d'un excès de recherche de pittoresque.....