On a très peu parlé de ce film et pourtant, dans le créneau hyper encombré du film familial, ‘Alex, le destin d’un roi’ n’est pas loin d’être ce qu’on ait fait de meilleur en 2019. Il s’agit d’une transposition du mythe de la Table Ronde dans un contexte moderne, dans lequel un gamin très moyen va hériter d’Excalibur et empêcher le retour de la fée Morgane, réveillée à la faveur de l’indifférence, de la méfiance et de la discorde - effet Brexit? - qui engloutissent peu à peu l’Angleterre. Comme on pouvait s’y attendre, le film dissémine avec humour tous les éléments de la Geste arthurienne, malicieusement ré-adaptées aux contingences modernes : ainsi, la table ronde est carrée jusqu’à ce qu’on la déplie, l’allié le plus incertain du nouvel Arthur est un harceleur nommé Lance, et la Dame du lac (enfin, sa main) peut surgir de n’importe quel plan d’eau, y compris d’une baignoire. Il y a aussi quelques gags facile, comme Merlin, réapparu sous les traits d’un ado mais dont les valeurs et le langage restent ceux d’un homme du Moyen âge. Pourtant, il ne me viendrait pas à l’esprit un seul instant de considérer le film de Joe Cornish comme une production opportuniste. Que ce soit dans ses traits d’humour ou dans ses moments de bravoure, ce film d’aventure dégage énormément de naïveté, mais dans le bon sens du terme : on y retrouve cette croyance sincère, sans arrière-pensées ni dérision post-moderne, dans les clichés du film d’aventure héroïque pour enfants, le courage, l’amitié, la solidarité, mais le scénario n’estime pas pour autant que tout doit être résolu de manière optimale et sans casse pour personne : au contraire, souffrir peut aider à grandir, sans qu’une récompense de dernière minute vienne justifier le sacrifice et la résilience. Outre qu’il ne prend pas les mômes pour des cons, l’univers développé par Joe Cornish est riche et éminemment ludique, et on a parfois l’impression de redécouvrir les nombreux effets de manche du film d’aventure fantastique comme si c’était la première fois, à l’instar du très chouette passage du siège de l’école par les cavaliers de Morgane. Il y a un peu de ‘Harry Potter’ dans ce plaidoyer en faveur de l’harmonie qui voit l’élévation des laissés-pour-compte au rang de sauveurs. Il y a surtout beaucoup d’esprit Amblin, venu de cette époque qui estimait qu’il était légitime qu’un enfant de six ou sept ans ait très peur du contenu d’un film, pour autant que le bien et le mal soient clairement définis...et il est piquant de constater que le plus convaincant des Copycat Amblin vus dernièrement soit justement celui qui ne lance aucune oeillade directe à la pop-culture des années 80. S’il avait été américain au lieu d’être britannique, ‘Alex, le destin d’un roi’ aurait sans doute été plus monumental (quoique les effets spéciaux n’aient absolument rien de honteux)...mais n’aurait certainement pas possédé autant de charme.