The long dumb road, c'est avant tout l'histoire de deux mecs sympas, voir trop sympas mais chacun à leur façon.
Le premier (Nat) quitte le domicile familial dans ce qui s'apparente à un voyage sans retour quand on s'attarde sur le visage anxieux de ses géniteurs. Pourtant, rien de très dangereux à l'horizon. Il n'a fait que grandir. Peut-être trop vite comme il est coutume de le dire. Mais il les laisse tout simplement à un tournant de sa vie, de leur vie.
"Va petit oisillon ! Quitte le nid et va ! En espérant qu'on ait pas totalement foiré ta préparation au grand monde. Ce n'est pas ce qu'on espérait pour toi mais va!"
Il a fini le lycée et embarque pour une virée solitaire en monospace de plus de 1600km vers Los Angeles, l'université, ses études d'art et probablement, quelques années partagées entre insouciance et responsabilité, certains diraient, probablement ses meilleures.
Mais très rapidement, son véhicule vieillissant qu'on imagine gracieusement légué par ses parents commence à faire des siennes et c'est là qu'il tombe sur l'impulsif Richard en pleine démission, le second.
Richard est sympathique car il répare gracieusement la voiture de Nat. Nat est sympathique car il embarque Richard avec lui pour le rapprocher de sa destination, Las Vegas. Et d'une conversation à une autre dans ce road-trip qui s'annonçait tranquille, les deux hommes vont échanger et confronter leur différence d'âge, leur milieu social et vivre quelques aventures pour pimenter le tout.
Nat a toute la vie devant lui et il souhaite la découvrir, loin de son petit cocon familial aisé. Richard a déjà pas mal bourlingué, vivant on l'imagine de petits boulots et tentant de s'en sortir comme il peut.
La cohabitation des deux gagne petit à petit mon cœur de quasi-quarantenaire et l'écart générationnel donne lieu à quelques échanges savoureux généralement initiés par les quelques mots caractéristiques du vieux con : "votre génération...".
En ce sens, la scène voyant les deux hommes passer leur première nuit ensemble dans une roulotte a quelque chose de savoureux. Nat jouant du "j'ai trouvé que dormir dans une roulotte serait sympa" et Richard de le reprendre "c'est un truc de faux pauvres de votre génération ça. Une roulotte! J'ai passé toute ma vie à vouloir m'en extraire et toi tu payes pour passer une nuit dedans."
Sous la houlette de Richard qui va s'improviser grand frère et guide spirituel au rabais, les situations vont s'enchaîner pour doucement nous laisser découvrir les personnages. Nat bien sûr, trop gentil pour réussir à se séparer de Richard et Richard, sympathique car quelque peu collant.
C'est une rencontre que nous propose principalement la réalisatrice Hannah Fidell. Une rencontre réussie qui ne me donne pourtant en rien l'envie de me plonger dans sa filmographie tant sur le papier, le film a l'air différent de ce qu'elle a pu proposer.
Pourtant ici, elle touche quelque chose dans ma petite âme esseulée en pleine pandémie. Le film devient quelque part une bouffée d'air frais à travers cette rencontre, de celles qu'on aimerait faire plus souvent car elle nous amène un autre point de vue, une spontanéité bienvenue qui vient un peu ébranler nos certitudes (hein Facebook) et confronter notre vision du monde, notre expérience à celle des autres plutôt que de nous réfugier auprès de ceux qui partagent nos convictions, comme si le nombre faisait la vérité.
Nat et Richard vont faire un bout de chemin ensemble, une parenthèse dans la vie de l'un et l'autre mais une parenthèse drôle et parfois cocasse qui sait nous surprendre par sa simplicité. Sans démesure, on reste pourtant à l'affut tant l'éventail des conséquences de chacune de leurs rencontres et de leurs actions est large.
Lorsque Nat tente d'abandonner Richard, ivre et endormi, dans un motel, lui laissant un billet de pitié sur la table, on sait qu'il va se passer quelque chose, que ça ne va pas s'arrêter comme ça et quand sa voiture fait des siennes, sa situation a quelque chose du hasard jouissif alors que la réaction de Richard nous surprendra encore plus. On reste à se demander si ces œillères sont telles qu'il ne voit pas ce qu'il vient de se passer, ou alors peut-être ne veut-il pas voir, bien trop heureux de pouvoir profiter encore un peu, gentiment, de son nouvel ami.
The long dumb road est réussi sur toute la ligne sans en faire des tonnes. Le principe à la fois aventureux et banalisé du genre est respecté avec en plus, une touche d'authenticité et de légèreté qui fait du bien. Quelques nids de poule viennent agrémenter un road trip porté par ce duo attachant en forme de fraternité éphémère où les messages ne sont jamais moralisateurs. C'est frais, drôle et juste. Une bonne surprise au cœur de l'Amérique, "la vraie" !