Steven Spielberg nous livre avec "The Fabelmans" une introspection douce-amère, où l'intimité s'entrelace avec la grandeur cinématographique. Ce semi-biopic sur les années formatrices du légendaire réalisateur évoque l'essence même du cinéma en tant que reflet de la vie, et la vie en tant que toile pour le cinéma.
Gabriel LaBelle campe un Sammy Fabelman à la fois naïf et résolument passionné, capturant l'ambivalence d'un jeune Spielberg entre les affres de l'adolescence et l'éveil d'une vocation. La performance de Michelle Williams, en tant que Mitzi Fabelman, est vibrante, apportant une vulnérabilité et une complexité remarquable à la figure maternelle du récit. À ses côtés, Paul Dano interprète avec subtilité Burt Fabelman, donnant du poids à l'image d'un père en proie au rationalisme et à l'éthique professionnelle.
Le film, avec ses 151 minutes, se déroule comme un morceau de vie recréé à travers le prisme de la nostalgie et de l'honnêteté. Ce n'est pas un hommage complaisant à lui-même que Spielberg orchestre, mais une quête de vérité sur ses origines, sur la découverte de la supercherie adulte à travers le prisme d'une caméra enfantine. Les images de Janusz Kamiński, collaborateur de longue date, baignent le film dans un éclat visuel qui rehausse l'authenticité des émotions sans jamais les éclipser.
"The Fabelmans" excelle lorsqu'il évoque la révélation artistique et les sacrifices personnels qu'elle exige. Les scènes entre Sammy et l'oncle Boris Podgorny, joué par un Judd Hirsch magnétiquement théâtral, sont parmi les plus percutantes, résonnant avec le conseil déchirant de choisir entre l'art et l'humanité.
Pourtant, le film flotte parfois dans un entre-deux incertain, son rythme hésitant entre les souvenirs dramatisés et les hommages cinéphiles. Malgré les contributions musicales du vénérable John Williams, certaines longueurs et un sentimentalisme appuyé menacent par moments d'alourdir la narration.
Quant à la réception en demi-teinte du film, elle souligne une déconnexion entre l'intention de Spielberg et l'attente du public américain. "The Fabelmans" est une pièce du puzzle Spielberg, un regard plus sombre et introspectif que les grands spectacles pour lesquels il est célèbre, qui, bien qu'acclamé par la critique, peine à trouver sa place dans le cœur du grand public.
La confrontation finale entre Sammy et son mentor cinématographique, interprété par David Lynch dans un caméo inspiré, est un moment de grâce où le jeune artiste est confronté aux dures vérités du métier. C'est dans ces moments de passage de flambeau que "The Fabelmans" touche à la grandeur, faisant écho à la transmission d'un héritage cinématographique.
"The Fabelmans" est donc un film aux multiples couches, réfléchi et personnel, qui requiert un spectateur attentif et sensible aux subtilités de la vie d'artiste. Spielberg ne cherche pas ici à captiver par le spectacle, mais à dialoguer avec ses souvenirs, nous conviant à une table familiale où chaque siège raconte une histoire. C'est un film à savourer pour sa richesse narrative et sa sincérité émotionnelle, même si l'on peut regretter une certaine inégalité dans son exécution.