Steven Spielberg se dévoile, tel un sympathique grand-père qui s’assoie pour vous raconter sa vie, mélangeant quelques éléments, confondant d'autres, évoquant de terribles moments de vie avec une légèreté qui sent le recul avec le temps, et vous passionnant à chaque instant. The Fabelmans n'est donc pas une auto-biographie exacte (pour cela, on vous conseille les magnifiques docus Arte), mais plutôt une divagation personnelle sur un passé qu'il fait sien. On retrouve donc Samuel (le véritable nom de Steven Spielberg) dans une famille juive au papa créateur d'ordinateur et à la maman pianiste, aux trois sœurs aux caractères bien trempés, et dont les déménagements ont peu à peu raison du bonheur familial. Toutes les grandes lignes y sont, mettant en lumière la passion innée pour la narration, pour le curieux objet qu'est le film, pour l’œil qui sait trouver un angle magique (transformant une maquette de train en locomotive immense) qui a touché le jeune "Sam". Dans ce rôle, le jeune Gabriel LaBelle (qui, maquillé, vous ferait jurer de voir l'original) est brillant, rivalisant amicalement avec la performance (comme toujours : excellente) de Paul Dano en père qui se cache sa propre tristesse, et l'on découvre Seth Rogen dans un rôle sérieux qui lui va bien au teint. A cela on rajoutera tous les plans incroyables qui nous rappellent qui est aux commandes (le train miniature, les copains au cinéma disposés à la West Side Story, les longs regards en gros plans qui en disent beaucoup...), couplé à un amour du cinéma qui nous fait forcément plaisir (les tournages bricolés sentent la bienveillance sincère). Qu'on se le dise pourtant, The Fabelmans n'est pas sans défauts, ainsi il est un peu trop long (quelques problèmes de rythme dans la deuxième heure), parfois niais (la dernière partie, avec la
rédemption-éclair du garçon antisémite, la demande de pardon de la mère qui ressemble à du forcing émotif, et le caméo drôle - mais totalement gratuit - de David Lynch, qui fait terminer le film de façon assez abrupte : juste le temps de râler qu'il "n'a rien écouté, on a dit pas d'horizon au mil... Oh ! Je me suis fait avoir."
), mais reste dans l'ensemble un beau divan de psy qui explique beaucoup de la vision narrative du réalisateur. Car, si vous venez pour voir la "carrière" de Spielberg, autant vous prévenir : The Fabelmans évoque seulement son enfance, et s'arrête juste avant son premier grand succès télévisuel (Duel). Peut-être est-ce là une façon de créer un film plus intime, dont on connaît moins les ressorts par avance (si l'on connaît sa filmo par cœur), de faire découvrir l'enfant triste derrière l'homme qui a toujours cherché à mettre en scène des enfances cabossées, mais qui finissent bien. The Fabelmans est une ode aux passionnés de cinéma, un divan de psy pour un des plus grands réalisateurs, et un pansement (et le bisou de maman) sur les déceptions d'enfance qui aident à grandir... Tout cela.