"Tu me vois vraiment."
Après «Babylon» au mois de janvier, un second film de cinéma sur le cinéma (mais pas seulement). Et un second coup de cœur à mes yeux.
Une toute première sortie au cinéma. Un spectaculaire accident de train projeté sur grand écran. Un choc, mais surtout une révélation pour un tout jeune spectateur assis entre ses parents, Sammy Fabelman.
Voilà le point de départ de l’œuvre la plus éminemment personnelle de Steven Spielberg. Car, ne nous voilons pas la face, il s'agit là d'une œuvre ô combien autobiographique, transposée à l'intérieur d'un récit dramaturgique et (en partie) fictionnelle.
Marquant le retour de Spielberg à l'écriture depuis «A.I. Intelligence Artificielle» en 2001 (ici aux côtés de Tony Kushner, scénariste de «Munich» et «West Side Story»), le cinéaste ne se borne pourtant pas à nous proposer un simple machin égocentrique sans rien à raconter dedans, bien au contraire.
Ici, il dresse un portrait à la fois touchant et désenchanté de ses parents : Burt, informaticien et Mitzi, pianiste. La logique, le réalisme d'un côté, le rêve et l'optimisme de l'autre. 2 êtres qui s'aiment, mais dont les visions et les désirs respectifs finissent par les éloigner l'un de l'autre.
Et cela, Sammy, le "double" cinématographique de Spielberg, n'en rate rien, dans les moments idylliques comme dans les moments plus tristes, captant les gestes, les corps et les regards, toujours les regards.
Tout a toujours été affaire de regards chez Spielberg (la fameuse "Spielberg Face", atteignant son apogée dans sa trilogie des aliens).
Ici, il y a celui qui regarde à travers son objectif, celles et ceux qui sont regardés par ce même objectif, et enfin ces mêmes personnes qui se (re)découvrent sur un grand écran, leur tendant un miroir de ce qu'elles sont ou de ce qu'elles rêveraient d'être (à l'image de cette mère en mal d'amour voyant la vie dont elle rêve, ou de cet élève qui ne se sentira jamais à la hauteur de l'image qu'il se colle lui-même).
Car dans «The Fabelmans», le cinéma est là pour dévoiler la vérité (qu'elle dérange ou non) et tenter de réparer le réel. Mais, comme l'apprendra notre protagoniste au fil du film, certaines choses ne peuvent se réparer à l'aide d'une caméra, et il faut parfois ressentir cette souffrance et ce chamboulement pour aller de l'avant et voir l'horizon (tant que celui-ci n'est pas au centre de l'image. Celles et ceux qui ont vu le film comprendront ce détail qui n'en est pas un).
Accompagné d'un casting exemplaire et d'une photographie somptueuse signée Janusz Kaminski, une histoire d'apprentissage et de passion, mélange de joie et de tristesse, convoquant comme jamais la puissance révélatrice des images.
Et cette poésie en mouvement, ce portrait intimiste rendu universel par le biais du cinéma ne peut me laisser indifférent, que ce soit en tant que spectateur et en tant qu'artiste.
Tant de choses à dire encore autour de ce film-somme qui va me rester en tête et qui donne tout son sens à la filmographie de son réalisateur, mais une chose est sûre : Spielberg est et reste l'un des plus grands conteurs du 7e Art, et le cinéma est et restera le plus grand spectacle du monde.