Informations et statistiques d'aujourd'hui concernant la paysannerie et l'agriculture en France sont, à maintes reprises, de mauvaises augures. Suicides, abattages de troupeaux, dettes, travail 365 jours par an, ..., le quotidien des agriculteurs et éleveurs ne semblent pas de tout repos. Mais ne nous leurrons pas, confortablement installés que nous sommes dans nos canapés un dimanche de farniente, ces éléments nous passent quelque peu au dessus de la tête. Mais la solution est là : "Petit Paysan", premier film du jeune réalisateur Hubert Charuel, vous fera ouvrir les yeux sur un boulot qui demande une certaine dose d'investissement. L'histoire est classique, une maladie bovine s'abat sur un troupeau et le propriétaire des lieux refuse de voir la vérité en face. Le véritable intérêt du film se trouve surtout dans tous ces petits riens qui composent l'existence de Pierre, sublimement incarné par Swann Arlaud. Raillé, soupçonné, réduit à des clichés qui ont la vie dure, harcelé par sa mère, absorbé 24h sur 24 par un travail qu'il a décidé de faire de la manière la plus humaine, chaque scène nous impose la cadence de vie infernale de Pierre, totalement pris par une activité qui définit chacun de ses gestes et de ses choix. Et tout ce petit monde, qui tient tant bien que mal face à un système déshumanisant et privilégiant le profit à la qualité, se retrouve à terre lorsque l'une des bêtes de Pierre tombe malade. Alors tout devient malade, fiévreux, épuisant, un destin conduit par la fatalité qui se fait le porte-voix de milliers de personnes en France et ailleurs qui triment pour survivre et pour nous offrir un semblant de normalité dans un monde devenu fou, dominé par les chiffres et les machines. "Petit paysan" est filmé comme un thriller, haletant jusqu'au bout. Tout le monde sait comment cela se finira mais pourtant, les tentatives aliénés de Pierre pour sauver son troupeau résonnent comme des gestes désespérés mais aussi comme des actes de bravoure au milieu des grandes compagnies robotisées et des lanceurs d'alertes devenus complètement paranoïaques. La vision du traitement accordé aux choses simples et saines de la vie dans notre société néo-libérale est proprement effrayante et "Petit paysan" est une sorte de cauchemar social où les plus faibles sont écrasés par la botte du malheur et de la misère. Indispensable.