Lila Pinell fait des études de philosophie et intègre le master de réalisation de documentaires de Lussas en 2005 - 2006. Son premier film, Nous arrivons, aborde le quotidien d’une communauté d’enfants dans une colonie de vacances autogérée. Chloé Mahieu a étudié l’Histoire puis l’Histoire de l’Art à L’Ecole du Louvre. Entre 2003 et 2006 elle collabore à la décoration sur des courts et des longs métrages de fiction. En 2007, Chloé intègre des agences de presse (Canal + Investigation, Story Box Press) et réalise de nombreux sujets de société pour la télévision. En 2008, elle réalise son premier film, Gentlemen Cambrioleurs, qui dresse les portraits de braqueurs anarchistes et écrivains.
Lila et Chloé se rencontrent en 2009 et coréalisent en 2010 - 2011 Nos fiançailles, produit pour Arte pour la collection Les gars et les filles. Le film raconte les amours de jeunes catholiques intégristes et remporte le Grand Prix France du festival de Brive et une étoile de la SCAM 2013. En 2013, elles coréalisent à nouveau un documentaire de 52 minutes pour la collection sexe et musique d’Arte Des troubles dans le genre. En 2014, elles poursuivent leur collaboration et réalisent ensemble Boucle piqué, un court métrage sur un groupe de jeunes championnes de patin à glace. Puis elles réalisent pour France 2 le documentaire Business club (Noblesse oblige) sur un jeune aristocrate qui tente de réussir dans le monde des affaires. Le film obtient la mention du jury au RIDM (Rencontres internationales du documentaire de Montréal). Kiss & Cry est leur premier long métrage de fiction.
Kiss & cry, c’est l’endroit où, après avoir terminé leur programme, les patineurs attendent les résultats donnés par le jury. C’est un lieu assez symbolique de l’environnement dans lequel le film évolue. "Et le terme désigne évidemment assez bien certaines réalités de l’adolescence !" selon la réalisatrice Chloé Mahieu.
L'idée de Kiss & Cry est venue aux cinéastes Chloé Mahieu et Lila Pinell en 2012 après réalisé un court métrage documentaire sur le patin, Boucle piqué (2012) :
"Le cadre du tournage était un stage sur glace organisé par Xavier, l’entraîneur dans Kiss & Cry, auquel participait une dizaine de jeunes filles âgées de 10 à 13 ans, toutes patineuses de haut niveau déjà. C’est là que nous avons fait aussi la connaissance de Sarah Bramms qui allait devenir l’héroïne de Kiss & Cry. L’univers du patinage artistique est très inspirant : paillettes, compétition, complicité, violence… C’est ce documentaire qui nous a donné envie de passer à la fiction. Des possibilités de cinéma très excitantes s’offraient à nous, sur l’adolescence, sur la manière dont on a envie de s’affranchir des contraintes quand on est adolescent, sur le rapport entre le désir des adultes et celui des enfants", explique Lila Pinell.
Fortes de leur expérience dans le documentaire, les réalisatrices Lila Pinell et Chloé Mahieu ont eu une double approche pour ce film, celle de la fiction et celle du réalisme documentaire :
"Dans Kiss & Cry comme dans Boucle piqué, nous avons filmé des entraînements de façon documentaire, et mis en scène des situations écrites à l’avance avec certaines filles. À l’intérieur d’un cadre strict que nous leur imposions, elles pouvaient évoluer en toute liberté, et nous entraînaient parfois sur un terrain imprévu et inconnu. Après une discussion avec notre chef opérateur Sylvain Verdet, nous sommes tombées d’accord sur ce que serait notre méthode de ournage : Sylvain a désiré ne plus rien connaître du scénario ou de la scène qui allait être tournée, afin d’aborder toutes les scènes de la même façon. Dans la recherche de l’instant ou de l’énergie du présent, et nullement dans des mouvements de caméra pré-établis. Même si les scènes avaient des directions précises, nous voulions tous être surpris par leur déroulement, comme dans un documentaire", révèle Lila Pinell.
Au-delà du film sur le patinage, Kiss & Cry est aussi un portrait de la jeunesse d'aujourd'hui :
"On trouvait ça intéressant de filmer ces jeunes filles, qui rêvent de la jeunesse d’aujourd’hui, mais qui sont finalement un peu out. Les choix sportifs qu’elles ont faits les enferment un peu, certaines sont un peu en retard par rapport à l’évolution d’une fille à la vie « normale ». Avec la technologie actuelle, la principale différence avec notre époque, c’est que tout est beaucoup plus rapide : avec Snapchat, les selfies qui circulent, on s’expose à beaucoup plus de gens, ce qui est particulièrement difficile à gérer lorsqu’il y a des dérapages", analyse Lila Pinell.
Les réalisatrices Chloé Mahieu et Lila Pinell s'expriment au sujet du traitement de la musique dans Kiss & Cry :
"On aime les comédies musicales, il y a des petits moments de chorégraphie dans le film, et c’est une des bases du patinage artistique. Kiss & Cry n’est pas une comédie musicale, mais on avait envie de détourner certains codes du genre. La diversité des musiques permet aussi de mettre en relief les états d’âme des filles, sans passer par les mots. La musique leur permet d’exprimer des choses qu’elles n’ont pas l’occasion d’énoncer face à l’entraîneur, à la mère, aux amis", confie Lila Pinell.
"Sur les séquences de rêve, la musique donne une profondeur au personnage. Sur le rêve de Sarah, nous avions pris comme témoin la musique de Christine, de John Carpenter. Christine est l’histoire de cet adolescent un peu coincé qui, dès lors qu’il s’achète une voiture, se révèle hyper macho, séducteur et sûr de lui, qui avec la voiture tue les gens qui le dérangent. Tout ça a évidemment une forte connotation sexuelle, qu’on voulait mettre aussi dans le rêve de Sarah, qui finit dans le sang", ajoute Chloé Mahieu.
Chloé Mahieu et Lila Pinell reviennent sur leur manière d'appréhender les séquences de rêves dans Kiss & Cry :
"C’est la matérialisation des fantasmes des personnages qui prennent corps à travers la danse. Ces moments peuvent enrichir le regard que nous portons sur les personnages", déclare Lila Pinell.
"Le rêve de Xavier est d’être une star, une diva, tout le monde danse autour de lui. Le sentiment que ça lui donne, c’est que la compétition lui apporte la preuve qu’il est au sommet, au centre du jeu, que cette réussite vient de lui. Sarah, de son côté, rêve d’un bras viril qui glisse sur son corps, un rêve où elle imagine peut-être l’amour, et l’amour est loin d’être simple et romantique", explique Chloé Mahieu.