Nuit Debout - ciel ouvert
Cela fait du bien de voir un film comme L’Assemblée.
D’abord parce qu’il ne faut pas laisser les images des événements qu’on a aimés à la seule subjectivité bien souvent « neutralisée » des envoyés spéciaux et des JRI.
Ensuite parce que L’Assemblée n’est pas d'abord un film sur Nuit Debout. Comme Allemagne année zéro de Rossellini ne se réduit pas à un film sur le nazisme. C’est le film d’une artiste, d’une citoyenne, Mariana Otero qui a rencontré à Nuit Debout, en chair et en os, les questions qui la travaillent.
L’Assemblée raconte l’épuisement d’hommes et de femmes qui tentent de résoudre, dans un temps bref, des questions que l’humanité se pose depuis longtemps : le statut de la parole, on pourrait dire du verbe, outil commun de la démocratie et de l'accaparement du pouvoir, véritable protagoniste du film, les conditions de son émergence et de sa circulation, et encore le rapport débat et action, individu et collectif, la peur que l'affect contamine la raison, comment voter - ou non - sans se diviser.. Autant de questions cruciales particulièrement pour celles et ceux qui veulent changer le monde et qui pensent que les moyens de production de ce changement seront lisibles jusque dans les fins.
L’Assemblée, c’est donc l’histoire de corps, l’histoire des traits qui se tirent, l’histoire de ceux qui de fatigue s’assoupissent et d’autres qui pour les mêmes raisons se dressent, l’histoire des muscles bandés pour rassembler son énergie, les mouvements des personnes à l'unisson ou en opposition, c'est l'histoire d'un peuple qui s'ingénie à se construire… C'est une histoire humaine incarnée.
L’Assemblée raconte aussi l’histoire d’un échec. Dans ce huis clos ouvert, Place de la République, on mesure l'histoire aussi à l'espace, ce qui s'y bâtît, quand il se densifie puis s'éclaircit. Un cœur battant et qui s’essouffle. Mais qu'on ne s'y trompe pas cet échec, au regard des différents objectifs : abolition de la loi El-Khomri, construction d'un rapport de force populaire face à l'oligarchie, révolution... est plein de promesses. Nuit Debout est une trace.
Même si le cinéma sait comment parler ensemble sans parler d’une seule voix, il a rarement à voir avec les questions théoriques politiques et je crois que ce n'est pas le mieux placé des arts pour le faire. Pourtant, voir L'Assemblée c'est être au cœur de ces questions qui nous hantent aujourd'hui et nous donne envie d'être, avec les autres, l'inventeur de réponses.