L’homme n’est-il pas qu’un insecte qui obéit aux lois de la Nature ? Pour son premier banc d’essai, Joe Penna nous montre qu’il faut être terre-à-terre, afin de comprendre la satisfaction de respirer et d’espérer. La survie n’est pas inconnue au cinéma et le dernier en date qui a pu marquer les esprits par son élan épique, c’est bien « The Revenant ». Autrement, il y en a eu d’autres qui mettaient Liam Neeson, James Fronco, Matt Damon Sandra Bulock ou Robert Redford sur le devant de la scène, là où on pouvait sentir les humains retranchés dans la solitude et l’espoir de reprendre une vie normale.
Mais pour Mads Mikkelsen, la routine n’est que pêche, signal de détresse et survie pure et dure. Nul le temps pour des lamentations ou pour ressasser le passé. Il va droit au but et se nourrit d’espoir jusqu’à plus soif. On découvre alors cette atmosphère, ce paysage d’une grande beauté. Mais derrière les apparences, celle-ci se montre dangereuse et impitoyable. Le cadrage joue d’ailleurs avec les perspectives et la profondeur de champ. Du blanc à perte de vue, des montagnes à confondre avec des petites collines, il y a de quoi faire suer, même devant un spectacle aussi glacial. On l’aura compris, tous les ingrédients pour s’accrocher à la vie sont présents. L’absence d’une bande-son, du moins quand elle n’est pas nécessaire pour alimenter des scènes en suspense, nous laisse avec la respiration de Mikkelsen, le nôtre et celui du vent. L’immersion est maîtrisée, car le bruitage suggère également un lot de souffrance, qui n’épargne ni le spectateur ni le héros anonyme.
Nous aurions beau savoir peu de choses sur son identité avant le drame qui l’a enchaîné à cet hiver permanent, seul son présent compte. Il aurait pu être tout le contraire et le même que sur les écrans, ce protagoniste déborde de détermination. Mais il est aussi rationnel et fait des erreurs. Il se fatigue et se blesse, mais il ne manque pas de sentiments pour autant. C’est d’ailleurs ce qui le guide à sortir de sa routine. Il finit alors par trainer un fardeau, qu’il reconnaît davantage comme son soutien moral, plutôt qu’un poids à faire ralentir. Il a la rage, mais il est aussi compétent et lucide pour comprendre comment survivre. On s’en rend rapidement compte, mais à force de valider les épreuves les unes après les autres, sans échappatoires, c’est bien le spectateur qui se sent concerné. Nous aussi, nous avons envie de mettre fin à son calvaire, mais la détresse de cet homme nous transporte avec un code éthique que l’on n’hésitera pas d’encourager.
Tout le contraire du code Hollywoodien, « Arctic » promet une bonne dose d’adrénaline et de sincérité. Le réalisme s’empare de nous et c’est avec plaisir que l’on s’y baigne à nos risques et périls, car on n’en ressort pas indemne de cette expérience, toutefois gratifiante. Mikkelsen finit par faire corps avec la nature et devient un ours, un guerrier qui affronte la menace glaciale et passive. Il ne cède pas au rang d’homme et affirme fièrement sa cause, jusqu’à tomber dans son gouffre mental. Ce prisonnier du froid force le respect et saura engager sa part d’humanité quand il le faudra, à savoir au moment de faire un pas pour les autres.