Dans son premier film « Les chansons que mes frères m’ont apprises » Chloé Zhao, jeune réalisatrice new-yorkaise, d’origine chinoise, portait un regard doux et amer sur la vie dans une réserve indienne dans le Dakota du Sud. Un film réaliste, presque un documentaire (la réalisatrice a vécu plusieurs années dans cette réserve), au ton poétique et mélancolique, ballade désespérée mais néanmoins d’une esthétique magnifique, paysages arides, sols ravinés, ciels d’orages, immenses prairies qui ondulent au vent….C’est sur ce tournage que Chloé Zhao a rencontré un groupe de cowboys Lakota. Malgré le teint clair que certains d’entre eux peuvent avoir, ils sont nés et ont grandi dans la réserve et sont à la fois des Sioux Lakota Oglala et d’authentiques cowboys qui portent des plumes à leurs chapeaux en l’honneur de leurs ancêtres Lakota – des cowboys indiens – une réelle contradiction américaine. Parmi ces cow-boys, elle s’est arrêtée sur un jeune d’une vingtaine d’années, Brady Jandreau, Sioux résidant à Pine Ridge, depuis son enfance dresseur de chevaux , s’appliquant à les débourrer et les dompter jusqu’à ce qu’ils soient aptes à la vente…Il a semble comprendre chaque mouvement de ces animaux, comme s’il communiquait par télépathie…Il vit dans un mobil home avec son père Wayne et sa jeune sœur Lilly, autiste…Comme beaucoup de ses amis, Brady est un adepte du rodéo sur cheval sauvage et est considéré comme une étoile montante de la discipline…Malheureusement lors d’une compétition il est projeté par sa monture et atteint à la tête par les sabots de son cheval…Victime d’une hémorragie interne, sombrant dans le coma, il ressort de l’hôpital avec une plaque métallique dans la tête et des diverses séquelles notamment dans la préhension de sa main droite. Et comme le souligne Brady : s’il avait été un cheval, on l’aurait achevé. Les médecins lui déconseillent fortement de remonter …difficile à accepter pour quelqu’un qui ne sait faire que cela…et ce n’est pas son intérim dans un supermarché qui pourra redonner un sens à sa vie…Dans un certain sens il s’en tire mieux que son ami Lane, adepte du rodéo sur taureau sauvage et qu’un accident a rendu tétraplégique…Brandy lui rend visite dans son ventre de réadaptation où il essaye de lui redonner le sourire en lui montrant les vidéos des compétitions passées… Ni véritable fiction, ni réel documentaire, The Rider, fusionne en fait les deux genres pour dresser le portrait émouvant d’un jeune homme exalté et en crise et, partant, d’une communauté restée en marge de la société américaine comme nous avons pu la retrouver dans The Ride de Stéphanie Gillard…Chloé Zhao porte un regard bienveillant sur Brady et les siens, sans dénonciation ni pathos excessifs… En même temps, elle revisite la mythologie du Far West, cette Amérique perdue, ses grands espaces et ses chevaux sauvages, et comme dans son précédent film, elle a, à nouveau, fait confiance à Joshua James Richards, pour filmer ces étendues herbeuses du Dakota, ses sublimes couchers de soleil et ses impressionnants ciels d’orage…Peu être moins poétique que son précédent film, The Rider reste un film fort et prenant…Le film a reçu le Grand Prix au dernier Festival du Film Américain de Deauville et l’Art Cinéma Award à la quinzaine des réalisateurs.