Le cheval crève l’écran dans un ralenti spectaculaire avant de donner vie au héros principal de cette histoire, Brady. Ce jeune-homme tatoué émerge à son tour du lit. En vérité, il émerge surtout du gouffre d’une hospitalisation dont il s’est échappé en contrevenant à l’avis médical, et dont on ne tarde pas comprendre qu’elle est le résultat d’une chute terrible lors d’un rodéo. Après « Les chansons que mes frères m’ont apprises », Chloé Zhao récidive par un film qui se situe entre le drame intimiste, familial et social. Car, ici, dans cette région des Etats-Unis, c’est presque une affaire génétique que ce rodéo. Tous les jeunes-hommes s’y adonnent avec passion, mais surtout contraints par le déterminisme culturel qui pèse sur les garçons de la région.
« The Rider » est un film lumineux et très profond. Il raconte certes le récit d’une terre immense, où les chevaux côtoient les hommes, dans des paysages sublimes que la photographie transcende. Il raconte aussi l’identité défaite d’un jeune-homme qui a subi un traumatisme crânien et dont il ressort abîmé, mais pas autant que celui qu’il appelle son frère, et qui est en quasi état pauci relationnel dans un hôpital. Il raconte le combat pour une reconstruction, quand on n’est pas diplômé, que le travail est rare, et que peut-être la seule issue pour gagner un peu de reconnaissance, est de se livrer à la violence des chevaux.
Le scénario ne verse jamais dans le maniérisme ou le misérabilisme. La réalisatrice s’est beaucoup documentée sur le fameux syndrome post-commotionnel dans le cas des traumatismes crâniens légers. L’identité toute entière est changée avec ses difficultés à exercer des gestes simples, l’altération des fonctions sociales et cognitives, en sus des effets somatiques comme les nausées ou les paralysies. Le pendant de ce handicap invisible est contenu dans le portrait touchant de cette jeune sœur, sans doute handicapée mentale légère. Encore une histoire de fraternité. Et au milieu des deux, il y a la figure du père, pétri de maladresse, de sensibilité et de tendresse. La beauté se dégage autant de la façon dont la réalisatrice regarde les somptueux paysages que sa manière de filmer les personnages avec respect et générosité.
« The Rider » est un film miraculeux. L’humanité qui s’en dégage est un hommage radieux à toutes les personnes qui ont subi un accident dont ils ressortent, du jour au lendemain, dans un état nouveau qu’il faut apprivoiser.