Signe que la technologie est un éternel recommencement, ‘La famille Willoughby’ utilise des images numériques qui s’efforcent d’imiter les imperfections du stop-motion jusqu’à obtenir un rendu presque “tactile” des personnages, qui ont par exemple des cheveux dont on jurerait qu’ils sont faits de laine. Signe aussi que Netflix est décidément plus avisé lorsqu’il s’agit de produire des films d’animation que du cinéma traditionnel, il s’agit clairement d’un des meilleurs films d’animation de l’année. Sur le fond, on reconnaît la patte de l’animateur principal de ‘Tempête de boulettes géantes’ (et réalisateur du second volet, même s’il vaut mieux ne pas le dire trop fort), avec des partis-pris visuels tranchés, qui peuvent déplaire, mais une exécution dynamique et survoltée, des trouvailles originales en pagaille et un formidable tempo humoristique qu’il est difficile de prendre en défaut tant il se montre digne des meilleurs cartoons d’autrefois. C’est un conte, évidemment, dont on se doute qu’il va bien se terminer, mais qui ne sombre jamais dans la complaisance et la bienveillance molle vis-à-vis de son public présumé...sinon, pourquoi embaucher Ricky Gervais comme narrateur, hein ? On doit sans doute à son tiers de participation britannique cette petite parcelle de mauvais esprit qui perdure jusqu’aux tout derniers moment de l’histoire. Derniers descendants d’une grande lignée à la pilosité impressionnante, les enfants Willoughby constatent que le ridicule avorton de moustache paternelle est sans doute le signe que la fin-de-race est toute proche. Le couple, englué dans un amour exclusif qui confère une signification spécifique au mot “bestial”, n’a pas un regard pour ses enfants, qu’ils oublient fréquemment de nourrir et auxquels ils n’accordent pas un regard. Excédée, la fratrie décide de comploter pour “s’orpheliniser”. C’est parti, et ça ne s’arrêtera pas, le temps que ces orphelins Baudelaire d’un genre nouveau, bien moins unis dans l’adversité que leurs lointains cousins, aient vécu leur quota d’aventures moins désastreuses que complètement déjantées. Inutile de nous refourguer une suite superflue, les gars, il me semble difficile de faire mieux que ce one-shot qui, à force de simuler les méthodes d’animation les plus artisanales comme pour s’excuser de “traumatiser” les têtes blondes par son humour absurde et cinglant, parviendrait sans peine à se planquer au sein des productions Laïka, avec qui il fait largement jeu égal.