Ce film, très impressionnant et remarquablement réalisé, se fonde sur un fait divers ayant défrayé la chronique en Tunisie en 2012 et ayant fortement contribué à une révision des lois de ce pays. L’histoire a été relatée par la victime elle-même (Meriem Ben Mohamed) dans un ouvrage intitulé « Coupable d’avoir été violée ».
Dans le film, Mariam, la jeune tunisienne, (Mariam Al Ferjani), revêt avec un peu d’hésitation une belle robe échancrée pour se rendre à une fête d’étudiants. Elle y rencontre Youssef, un jeune homme plein de charme, qu’elle décide d’accompagner sur une plage. Le plan suivant nous la montre en état de choc, titubant dans les rues, et toujours accompagnée par Youssef. Que s’est-il passé ? Rapidement se dessine la scène manquante, judicieusement non filmée par la réalisatrice (on n’en verra que quelques images furtives sur l’écran d’un téléphone portable) : Mariam et Youssef ont été interpellés par une patrouille de police et la jeune femme déclare avoir été violée par les agents dans leur voiture.
Le film relate la nuit de cauchemar vécue par Mariam. Soutenue par Youssef pendant une grande partie des événements, elle doit affronter les lourdeurs bureaucratiques de l’administration des hôpitaux puis de celle de la police elle-même. Avec son apparence de femme bien portante et sa robe sexy, certains ont vite fait de lui coller une étiquette d’aguicheuse, d’autres se contentent de faire la sourde oreille ou de se débarrasser d’elle en la renvoyant à un autre service. A l’hôpital, on lui rétorque qu’avant tout examen, il lui faut déposer une plainte à la police. Les agents de police, eux, on l’imagine, ne se montrent pas très réceptifs, c’est le moins qu’on puisse dire. Ils essaient tout ce qui est possible pour la décourager de porter plainte, et plus encore quand la jeune femme découvre la preuve que les coupables sont des agents du poste même dans lequel elle se trouve.
Les moments de peur succèdent à ceux du découragement, et pourtant la jeune femme puise la force de ne pas céder. Il faut dire que, même si la plupart de ses interlocuteurs lui sont hostiles, il en est aussi qui cherchent à l’encourager et à l’aider. Mais c’est en elle, dans ses propres réserves intérieures, qu’elle trouve une volonté qu’elle-même sans doute ne pensait pas avoir. Son personnage bouleverse et elle provoque une irrésistible empathie : si Mariam va au bout de son calvaire, si elle résiste aux intimidations, aux mensonges et aux pressions, c’est parce qu’elle sait que sa cause est juste. Sa dignité ne saurait lui être enlevée. 8/10