Une certitude : le réalisateur bulgare Stephan Komandarev ne jouit pas d’une grande renommée dans notre pays. En fait, parmi ses 3 premiers longs métrages de fiction, un seul, "The world is big", avait, jusqu’à présent, fait l’objet d’une sortie hexagonale. Il se pourrait que les choses changent avec "Taxi Sofia", présenté dans la sélection Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes !
D’après un des protagonistes de "Taxi Sofia", la Bulgarie serait le pays où on rencontre le plus fort pourcentage d’optimistes. En effet, rajoute-t-il, les réalistes et les pessimistes sont tous déjà partis ! Pourquoi donc ? Eh bien, mieux qu’un long discours, les 103 minutes que dure le film permettent de nous apporter de nombreuses explications à ce rejet de leur propre pays par un grand nombre de bulgares. On y voit une Bulgarie où règne la corruption, un pays dans lequel, cyniquement, un puissant reconnait que lui et ses semblables écrivent les lois en leur faveur et négligent la protection des faibles, un pays où de nombreux apparatchiks communistes n’ont eu aucun problème pour se convertir au libéralisme le plus débridé, un pays où la jeunesse se prostitue et où le suicide semble présenter une porte de sortie tentante pour ceux qui ne sont pas partis ailleurs, un pays, enfin, où les plus beaux diplômes ne sont pas suffisants pour arriver à joindre les deux bouts. C’est pourquoi on retrouve, dans ce film à sketchs, des chauffeurs de taxi alignant des kilomètres nocturnes pour compléter le salaire insuffisant provenant de de leur véritable profession.
Transformer des taxis en salons où l’on cause, où des personnages se dévoilent, apprendre à appréhender une ville et un pays au travers des vitres d’un de ces salons roulants, cela n’est pas nouveau au cinéma. Il n’empêche : le procédé fonctionne parfaitement et permet aux spectateurs de s’introduire dans les problèmes de la société bulgare contemporaine sans qu’apparaisse la moindre bribe d’ennui. Ce que raconte "Taxi Sofia" suffisait déjà à en faire un film « intéressant ». Sa très belle construction et la qualité de ses plans-séquences en font un film qui, très vite, se révèle « passionnant » et cinématographiquement abouti.