Un film qui traite des migrants syriens en essayant de conserver une approche honnête et mesurée (il y a l’ange...mais il y a aussi les terroristes, et puis chaque barreau sur l’échelle de l’humanité, entre la générosité et la bassesse) venu du pays à l’avant-garde de l’opposition à leur arrivée en Europe, ce n’est pas anodin. Toutefois, Kornél Mundruczó, à travers l’histoire de ce jeune migrant blessé à mort par un garde-frontière et désormais doté du pouvoir de léviter dans les airs, parle surtout de la Hongrie, son pays, qu’il présente comme corrompu, déjà blasé par 30 ans de libéralisme économique et secrètement à l’affût d’un soupçon de Sens. Le médecin Stern, sous la menace d’un procès pour erreur médicale, est parfaitement conscient de la soif de ses contemporains pour un événement qui rendrait l’Impossible vraisemblable, et va se servir du jeune Aryan pour amasser de l’argent, alors que ce dernier souhaite simplement retrouver son père au point de rendez-vous qu’ils s’étaient fixés avant de franchir la frontière. Plus proche du polar urbain que du drame engagé, ‘La lune de Jupiter’ laisse planer un certain flou sur ses intentions : l’approche la plus évidente est celle de cet “ange� venu d’au-delà des frontières pour revivifier la foi d’une nation spirituellement morte, mais le réalisateur donne l’impression de brouiller les pistes, suggérant ici et là une explication science-fictionnesque ou un simple choix esthétique, voir de ne même pas avoir lui-même un avis très arrêté sur la question. La seule chose dont on soit sûr est que Kornél Mundruczó aime le beau, le clinquant et les influences lisibles : les lévitations d’Aryan offrent à voir des panoramas de Budapest qui rappellent les ‘Ailes du désir’ (peut-être parce qu’on soupçonne Aryan d’être de la même espèce que les héros de Wim Wenders), tandis que pour une autre scène, dans laquelle un appartement et son contenu subissent les mouvement tourbillonnants du personnage, on se croirait dans ‘Inception’ ! Dans le même ordre d’idées, le réalisateur aime beaucoup les plans-séquences à rallonge, qu’il s’agisse d’une course en voiture dans les rues ou à pied dans le dédale des couloirs d’un hôtel. Après tout, il avait déjà dévoilé son goût pour une certaine démesure en lâchant des hordes de chiens dans les artères désertes de la capitale hongroise dans ‘White god’. On jugera, sévèrement ou non, ce goût pour le tape-à-l’oeil, qui s’étale au détriment (?) d’un message politique évasif. Pour ma part, j’estime que cela confère à ‘La lune de Jupiter’ un équilibre assez inattendu, et qu’un message hésitant mais marquant vaudra toujours mieux qu’un message clair que personne n’écoute ni n’entend…