Dogman, est l’histoire de Marcello, un toiletteur pour chien, petit dealer pour payer des vacances à sa fille, désirant vivre en paix entre ses voisins et ses chiens ; loyal il ne peut pas trahir son ami Simoncino sortant de prison auquel il ne sait pas dire « non ».
Tout commence par un plan sur un pitbull féroce qui sort méchamment ses crocs face au toiletteur bienveillant qui petit à petit l’amène à se plier à sa volonté: Marcello sait dompter un molosse, sait se faire respecter, il doit juste apprendre à transporter son savoir de l’animal à l’homme. La vengeance de Marcello qui n’est pas du tout quelqu’un de violent est ainsi annoncée ; elle va hanter tout le récit : il va rester gentil jusqu’au bout, même dans ses pires comportements sadiques de révoltes.
Tout au long le film fonctionne en allégorie canine ou les chiens sont meilleurs que les hommes : Marcello/Caniche face à son ami Simoncino/Pitbull ; on se méfie en général moins du caniche que du pitbull.
Par son sujet le film rappelle Le Voleur de Bicyclette de Vittoria de Sica (1948). Le propos est le même : un pauvre bougre est poussé par la misère à commettre un acte illégal : les temps ont changé, le vol d’une bicyclette devient ici un forfait bien plus tragique, mais l’Italie décrite est la même dans les deux films.
Pourtant cette allégorie canine ne s’apparente pas du tout au cinéma néo-réaliste italien, l’Italie d’aujourd’hui nous est présentée rongée par l'infernal couple misère-violence, alors que seul le côté misère était exposé en 1948 par de Sica.
Le Voleur de Bicyclette est tourné dans un décor réel sans fioritures, sans chercher à gommer ou arranger la réalité. Ici le décor est aussi réel (une station balnéaire décrépie) mais la lumière, le cadrage, le choix des couleurs transcende ce quartier délabré d’une Italie malade. Matteo Garrone ne cherche pas à être réaliste mais à nous faire ressentir, nous émouvoir, nous inquiéter, nous brutaliser : ce n’est plus la misère de l’après-guerre qu’il convient de montrer, mais celle de la société actuelle où l’injustice débouche sur la violence ; quand on est démuni, seul, méprisé face à l’injustice, l’animalité surgit et la violence devient une problématique libération.
Le réalisateur n’a pas utilisé de musique: pas besoin d’artifices pour appuyer certaines émotions ni pour rendre le film plus angoissant. C’est du brut.
Dogman est un film d’une noirceur radicale, désespéré et émouvant, à la mise en scène impressionnante et des plans inoubliables : le dernier, Marcello, seul sous la pluie, avec son chien et à ses pieds son ami avec qui il souhaitait tellement se réconcilier dans ce décor de ville béton abandonnée, c’est inoubliable et magistralement construit. Dogman est aussi un film qui nous parle du besoin d'exister et d'être aimé.
L’acteur Marcello Fonte irradie le film : à Cannes son prix d’interprétation était amplement justifié.