Les médias nous montrent assez fréquemment des reportages sur des violences commises par des salariés lors de grèves (locaux détruits, patrons séquestrés…). Ces images, nous avons pris l’habitude de les voir et nous sommes rarement touchés par la condition de ces employés… Déjà parce que les médias sont biaisés, mais aussi parce que nous ne disposons pas de l’historique complet qui permet de comprendre ce qui a poussé ces personnes à agir de la sorte.
C’est avec un scalpel, sans concessions, que Stéphane Brizé détaille toutes les étapes du combat d’un syndicaliste qui finit, lui aussi, brisé !
Si le réalisateur nous avait laissé un tout petit peu sur notre faim avec «la loi du marché », il retrouve la complicité qu’il a établie avec Vincent Lindon et nous livre avec « en guerre » un film tellement copieux que sa digestion réclame un certain temps.
Recette risquée mais au combien savoureuse, de nouveau Vincent est entouré d’acteurs non professionnels qui apportent une crédibilité totale, on pourrait presque croire à un documentaire tellement les dialogues et les comportements sont d’une justesse sans faille.
Et pour renforcer l’adhésion avec cette réalité palpable et afin d’éviter de filmer comme un documentaire qui mettrait de la distance avec les sujets, le réalisateur a eu l’intelligence de filmer la totalité du film avec des gens ou objets en premiers plans, flous, comme si la caméra était en fait une vision subjective de nos propres yeux. On se sent ultra proche des syndicalistes, comme si l’on faisait la grève avec eux et que l’on partageait cette rage omniprésente face à de multiples injustices, cette sorte de rage non contenue, celle qui fait bégayer, le souffle court, les larmes aux yeux.
Très simplement mais avec force, concision et minutie, le scénario nous livre une vision d’un des plus grand paradoxe du monde de l’entreprise : comment un système cohérent d’un point de vue boursier (faire du profit pour les actionnaires) devient incohérent d’un point de vue humain (licencier des employés alors que l’entreprise est bénéficiaire). En prime, nous voyons très bien comment les entreprises sont au pouvoir et que l’Etat tente de faire bonne figure mais plie rapidement face à la sacro-sainte liberté d’entreprendre.
Et c’est face au un cynisme des chefs d’entreprises que la rage des grévistes monte jusqu’au désespoir, face au mutisme du système, qui ne deviendrait pas capable du pire ? Tous les mécanismes rodés du combat sont étalés, jusqu’à l’éclatement du doute et de la fin inévitable de l’union syndicale sur fond de montées puissantes et rageuses accompagnées par la musique hyper efficace de Bertrand Blessing.
Voilà un film qui remet le curseur du bon côté et qui permettra à chacun de ne plus appréhender les mouvements de grève de la même façon, un film actuel, nécessaire, un film choc, avec une fin ahurissante, de celle qui marque pour toujours !