Il nous aura tout fait! Petit patron en faillite après la filouterie de son assureur, chômeur devenu agent de sécurité, et maintenant leader cégétiste dans une usine menacée de fermeture, même en chien, comme on l'a vu récemment, il incarne le cabot contestataire, celui qui n'aboie pas avec la meute! ll est bien loin, le temps où Vincent Lindon était le chevalier servant d'une princesse. En défenseur de la classe ouvrière, il est bluffant. Tout le film de Stéphane Brizé est bluffant d'ailleurs. Ca démarre comme un documentaire sur un conflit social qui pourrait se situer chez Lipp, Arcelor-Mittal, Florange....., et ça relève le défi de nous passionner jusqu'au bout. Je crois que beaucoup parmi les acteurs sont des non-pro, et nous avons l'impression d'être dans un reportage... On ne peut les citer tous; ils sont parfaits! mentionnons Mélanie Rover, qui interprète la représentante de la CGT-jeune, et qu'on reverra sûrement.
C'est une multinationale allemande qui a deux filiales en France, Perrin Industrie à Agen et à Montceau les Mines. Elle a signé avec les syndicats un protocole, au terme duquel elle s'engageait à maintenir l'activité au moins cinq ans; en échange les travailleurs renonçaient à leurs primes, et acceptaient de travailler cinq heures de plus par semaine. Au bout de deux ans, les Allemands s'assoient sur leurs engagements: on ferme! Pourquoi? l'usine est rentable, mais ne fait pas assez de bénéfices au gré des actionnaires teutons..... Les syndicats, au départ sûrs de leur bon droit, ne se heurtent qu'à des portes fermées. L'action en justice leur donne tort. Le Medef est aux abonnés absents. Le gouvernement les soutient, bien sûr, mais se doit d'être impartial: l'éthique lui interdit de peser sur les affaires de l'industrie. Par ailleurs, c'est une affaire allemande.... Chez les syndicats en grève qui bloquent le site, vient vite la division. Le syndicat maison, réformiste, plus lucide sans doute, a bien compris que la direction ne cédera jamais et qu'il faut avant tout essayer d'obtenir une sur-prime de licenciement la plus élevée possible. Laurent, délégué cégétiste, entraîne une partie du personnel dans un jusqu'auboutisme qui ne peut que mal finir....C'est extrêmement didactique, à travers les discussions où interviennent l'avocate des salariés, le conseiller social du gouvernement, on comprend beaucoup de choses.
Il est un peu dommage que le film, passablement manichéiste, élude des données importantes: beaucoup d'entreprises doivent fermer, non pas à cause de la voracité des actionnaires, mais parce qu'elles ne sont plus viables. Et si elles ne sont pas assez compétitives, c'est parce qu'en France elles supportent les charges sociales les plus élevées du monde...
On souhaite juste que Stéphane Brizé ne se cantonne pas au film social, car il nous avait enchanté dans un registre plus tendre: Quelques heures de printemps, Mademoiselle Chambon...
Mais c'est évidemment à voir.