Cuban Network explore la duplicité des êtres – à la fois acteurs de la politique de leur temps et engagés dans une relation amoureuse – tout en composant une forme affranchie qui ne cesse de muer, affichant une liberté totale a contrario de ses personnages qui, eux, subissent l’incarcération, voient leur liberté restreinte, s’aiment au travers d’une vitre, derrière un parloir. Le film évite ainsi tout didactisme et impose un rythme, un ton, une couleur ; ou plutôt une série de variations rythmiques, tonales et picturales autour d’un même thème, conférant à l’ensemble une fraîcheur à chaque plan renouvelée et un charme certain. Les deux acteurs principaux dégagent une vitalité pleine de mystère et d’érotisme mêlés ; et Penelope Cruz, une fois encore, livre une prestation remarquable, le personnage d’Olga bénéficiant, grâce à elle, d’une épaisseur véritable, d’une complexité vécue à fleur de peau. De plus, Olivier Assayas semble s’amuser à réinvestir les codes du film d’espionnage ainsi que ceux, plus contemporains, du film de super-héros à la Marvel : voir Jose Basulto recruter les membres d’une équipe de pilotes fait aussitôt penser à ces figures de mentors ou ligueurs à la tête d’une société secrète soucieux de s’approprier les talents de chacun. Le réalisateur superpose des couches référentielles et construit son long métrage par strates successives ; la construction feuilletée du récit confère une vraie opacité et entoure les actions des protagonistes de zones d’ombre. Les retournements s’enchaînent à toute allure, comme les rouages d’un mécanisme plus vaste auquel nous n’aurions pas accès, faute de recul nécessaire. Constamment projeté dans l’urgence de l’action, le spectateur rassemble les pièces d’un puzzle aussi foisonnant que la vie et ludique qu’un jeu, puzzle doté d’une mise en scène très soignée – livrant au passage de très belles séquences aériennes. Cuban Network est une excellente surprise, une œuvre tendue et détendue à la fois où les êtres se rencontrent, s’aiment et se séparent, où les langues vivantes se multiplient – on parle anglais, espagnol, russe – ; une œuvre romanesque et documentaire, humaine en somme.