Réinvestir de manière parodique les codes du film sentimental défini ici comme conte à l’eau de rose promettait un divertissement tranchant et hilarant. Isn’t it Romantic n’en est rien, ou si peu. Il y a quelque chose de terriblement anecdotique là-dedans, un empressement ressenti dans l’écriture du scénario qui ne prend pas le temps de penser son dispositif comme un miroir renvoyant les reflets de notre société contemporaine et des clichés qu’elle véhicule, un empressement ressenti dans l’écriture des personnages qui attestent une superficialité aussi grande que les êtres de fiction qu’ils prétendent dénoncer, un empressement ressenti dans la mise en scène qui se contente de suivre le cahier des charges des productions romantiques grand public. Seuls comptent ici Rebel Wilson, son humour, son corps, son personnage. Car l’actrice incarne à l’écran un problème de société, un problème que notre société rencontre vis-à-vis des personnes enveloppées, en surpoids ou obèses, une marginalisation de ces personnes en raison d’un physique qui ne coïncide pas avec les normes de productivité économique et les canons esthétiques en vogue aujourd’hui. Les gros sont paradoxalement les transparents de notre modernité, ceux auxquels l’on ne prête pas attention, que l’on relaie aux tâches ingrates, que l’on dénigre en raison d’un prétendu laisser-aller, d’une négligence soupçonnée. Perpétuant l’idée que l’apparence est une vitrine du mode de vie. Or, ce que le film montre bien, c’est que ce phénomène de rejet, s’il est une pression subie depuis l’extérieur, constitue également une violence intériorisée : les gros convertissent ce qu’ils considèrent à leur tour comme une disgrâce en un complexe d’infériorité, attestant alors du divorce entre eux et leur image. Ce processus de dénégation de soi, Natalie commence par l’incarner pour mieux ensuite l’envoyer bouler, sa physionomie devenant, comme par magie, la nouvelle norme à la mode. Derrière ce jeu d’inversion se cache une condamnation des effets de mode, toujours transitoire, et une réévaluation de la beauté d’une femme que l’on regarde d’un œil différent : comme Melissa McCarthy filmée par Paul Feig – ravissante dans Spy, pour ne citer qu’un seul exemple –, Rebel Wilson impose un charme qui va crescendo, à mesure qu’elle retrouve confiance en elle et se raccorde avec son image. S’ouvre alors la perspective d’un renouveau de la comédie sentimentale, une comédie qui briserait non pas les codes mais les canons représentés, et dont Isn’t it Romantic serait une étape, imparfaite mais sympathique.