Bienvenue dans un film bicéphale, au manichéisme très assumé. D’un côté, les riches, de l’autre, les pauvres. Les Ki-Taek sont au chômage. Ils vivent au milieu des cafards, dans les bas-fonds de Séoul (“bas” et “fonds”, deux mots clés du scénario). Un ami du fils lui propose de le remplacer comme professeur particulier d’anglais (en l’incitant à un gentil mensonge au passage sur son diplôme) dans une riche famille habitant sur les hauteurs de la ville. Les mensonges vont s’enchaîner et c’est finalement toute la famille, sous différentes identités, qui va travailler chez les Park.
Surtout, ne pas en dire plus sur le scénario. A part peut-être, que les choses n’en resteront assurément pas là et qu’une descente aux enfers s’engage. Beaucoup d’analyses ont déjà été partagées sur ce film, puisqu’il a reçu la Palme d’Or. Il est, de toute évidence, brillant.
Le scénario, tout d’abord, est particulièrement retors. Bong Joon Ho est un parfait héritier de Hitchcock: il ménage des effets de surprises au niveau de sa ligne directrice, en délivrant des informations particulièrement inattendues au milieu de la narration. Par ailleurs, quelques scènes de suspense sont particulièrement efficaces, tout en étant assez “basiques” dans leur construction: le spectateur frissonne en se posant l’éternelle question: “va-t-elle regarder sous le lit?”. La différence d’information entre les Park, ingénus jusqu’aux dernières scènes du film, et les “parasites” divers qui les ont envahis, ménage des effets de burlesques tout au long du film. On rit noir, mais on rit très souvent.
La mise en scène de Bong Joon Ho est à la hauteur du scénario. Elle est tout d’abord l’objet d’une mise en abyme, car les Ki-Taek (la famille de parasites) sont les acteurs et metteurs en scène de l’action de la première partie, lors de leur prise de possession de la maison. Les montages alternés entre le père, qui répète son texte (et qui en fait trop pendant les répétitions, alors que la vraie scène est criante de vérité), les ralentis dans la maison (une pichenette de poudre de duvet de pêche dans la nuque), sur un morceau d’opéra, sont très brillants.
C’est une lapalissade de le souligner, puisque nous avons déjà mentionné son manichéisme, mais tout dans le film est bipolaire. D’un côté, les riches, de l’autre, les pauvres. Ils n’habitent pas les mêmes quartiers (la géographie de la ville est à ce titre très très bien exploitée par le scénario, ce qui a été beaucoup relevé par les critiques). Ce qui est tout à fait bien vu par Bong Joon Ho, c’est que l’opposition des deux univers est tellement marquée, qu’on dirait qu’ils appartiennent à deux films différents. Lors de la première image, on découvre la famille Ki-Taek chez eux, dans un entresol humide et sale, habillés en shorts et claquettes, le père allongé à même le sol. Le fils essaye de trouver du wifi gratuit dans toutes les pièces du logis, et finit par en trouver, accroupi à côté des toilettes. On se croirait dans un film de Brillante Mendoza sur les classes défavorisées d’une métropole asiatique. Chez les Park, c’est un univers tout à fait autre et l’esthétique est radicalement différente: les volumes contemporains (à la Tadao Ando) de la maison sont immenses, les matériaux lisses, les surfaces propres. Toute action se déroulant dans ce décor est comme naturellement mise en scène par l’architecte et le décorateur de la maison, le célèbre architecte Namgoong (qui n’est autre que le cinéaste lui-même, puisque c’est lui qui règle les lumières et les ombres du film, et c’est également lui qui est le maître des secrets de cette maison).
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