"En pleine tempête" : un titre donné à la version doublée en français pour le double sens qu’il offrait ? Allez donc savoir, mais on va supposer que oui. En effet, ce titre peut s’apposer autant à la mauvaise passe que traverse le bateau de pêche barré par le commandant Billy Tyne et son équipage qu’à la terrible tempête qu’il va devoir subir. Cependant, le titre original du film "The perfect storm") n’est ni plus ni moins qu’un qualificatif donné par les météorologistes pour qualifier cette tempête restée sans nom, laquelle bénéficia tout de même de l’appellation officieuse de « Tempête de l’Halloween 1991 ». La raison ? La convergence des conditions qui ont mené à cette configuration exceptionnelle qui a vu une tempête déjà très puissante capable d’absorber les restes d’un précédent ouragan actif quelques jours plus tôt (« Grace »). De ce côté-là, les faits sont presque authentiques. Voilà pourquoi ce film se targue de s’inspirer de faits réels. Il y a pourtant un hic. Comment, vous n’avez pas remarqué ? Relisez donc… Vous ne voyez pas ? J’ai dit que « les faits sont presque authentiques ». Eh oui, comme tout le reste du film. Alors que le scénario s’appuie sur le best-seller de Sebastian Junger paru en 1997, "En pleine tempête" n’est rien d’autre qu’un mélange de faits réels et de scènes totalement inventées par le scénariste afin de rendre le film plus spectaculaire. Même le nom des personnages, inspirés pourtant de personnes bien réelles (cas de l’équipage de l’hélicoptère de secours), sont devenus fictifs. Et c’est pareil pour certains bateaux, en particulier le voilier "Satori", devenu pour l’occasion "Mistral". Difficile donc de savoir le vrai du faux dans tout ça. Chers lecteurs, chères lectrices, chers abonnés, vous voyez que j’ai creusé un peu la question avant de commencer cet avis. Pourquoi ? Parce que bon nombre d’intervenants mettent en avant un grand nombre d’incohérences. Ils n’ont pas tort. Mais que voulez-vous ? L’appel du sensationnalisme par le spectaculaire a été plus fort que tout. Aussi il est difficile de distinguer le vrai du faux. Mais on peut déjà deviner quelques entorses faites par rapport à la réalité. Pour commencer, un gros doute peut venir sur le fait qu’un hélico ait pu être envoyé dans une mission de sauvetage par un temps pareil. Eh bien il semblerait que ce fut pourtant le cas. Mais le ravitaillement ? Et le coup du chalumeau ? Qui y croit ? Allons allons, personne, du moins je l’espère ! C’est dommage parce que si la recherche de l’authenticité avait eu la primeur en lieu et place du spectaculaire, nul doute que le film de Wolfgang Petersen aurait gagné des points. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir cherché à crédibiliser le récit par cette alternance de faits et de dramatisation. Ces phases de dramatisation offrent cependant le loisir de développer la psychologie des personnages, principalement avant que la tempête ne fasse rage. Servis par un casting de grande classe, les personnages inspireront tous quelque chose chez le spectateur : ce dernier aura de la sympathie pour les uns, et de l’aversion pour les autres. Ainsi, Michael Ironside sera déplaisant au possible dans la peau de cet armateur répondant au nom de Bob Brown, alors que l’équipage du "Andrea Gail" sera des plus sympathiques, mis à part Sully (William Fichtner) qui laissera planer plus ou moins une sombre inquiétude. Les effets spéciaux sont de bonne facture. Et la plupart du temps, on croira à ces énormes creux et ces immenses vagues de ces eaux furieuses au milieu desquelles on se sent tout petit petit petit petit petit. Pourtant cela commence assez mal avec la scène d’ouverture où les effets visuels semblent surfaits. Normal, ce n’est qu’un rêve. Malgré les incohérences et les inexactitudes par rapport aux faits réels, "En pleine tempête" n’est pas pour autant dénué d’intérêts. Par exemple, on voit le "Andrea Gail" et le "Hannah Bode", deux bateaux de pêche absolument identiques (exception faite de la couleur), rentrer ensemble au port comme à la parade. Puis on découvre l’ambiance festive des bars marins venant couronner une campagne de pêche, qu’elle fut productive ou non. Franchement, ça donne envie de partager le bonheur des retrouvailles, et la joie d’être revenus en vie. Car quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que la pêche est un métier à haut risque, ce qui va nous être prouvé. Mais je pense qu’il aurait été utile aussi d’appuyer sur la superstition, très présente dans le monde marin : les rituels de chacun des matelots, la crainte inspirée par la poisse qui semble les poursuivre… enfin ce genre de choses, quoi. En dépit de ses nombreux défauts, le plus étonnant est que ça marche ! On a très envie que leur périple se termine sans trop de bobos, et c'est ce qui nous tient efficacement jusqu'à la fin. Conséquence : les 2h10 passent assez rapidement, et c’est aussi dû au fait qu’on partage la vie à bord, avec ses petites tracasseries. "En pleine tempête" ne bousculera pas votre vidéothèque, mais se révèle divertissant. Un seul regret : un gros potentiel gâché, mais ce n’est pas la faute du casting car il est très bien. C’est l’écriture la responsable ! (dit Stephenballade en pointant du doigt le scénariste William D. Wittliff).