Au premier coup d’oeil, le montage frénétique, saccadé et clipesque, comme un sorte de film de Gregg Araki sous speed, combiné à un comportement qu’on peut à bon droit trouver ahurissant de superficialité (“ado”, en somme), n’aide pas à rendre les héroïnes de ce ‘Assassination nation’, trois filles et un transgenre, franchement aimables. Pourtant, cette entame épuisante possède une justification évidente, dès lors qu’il s’agit de représenter une génération où un buzz remplace l’autre et qui textote et sextote plus vite que son ombre. Peu appréciées par leur entourage car intelligentes et libérées, les quatre donzelles ne se privent d’ailleurs pas d’adhérer à cette mode, tout en se lamentant sur l’hypocrisie et la médiocrité du monde qui les entoure. Elles sont loin d’exagérer d’ailleurs : lorsque les sales petits secrets de tous ceux qui comptent en ville commencent à être balancés sur les réseaux sociaux, les victimes sacrificielles sont toutes désignées : le mâle américain a été humilié et le coup ne pouvait venir que de celles qui, parmi les femelles, refusent leur statut subalterne. La traque peut commencer. Hasard ou pas, la petite ville se nomme...Salem. Au delà de ses appâts peu ragoûtants de “MTV-movie” tardif, c’est fou ce qu’il y aurait de choses à dire à propos de ce taillage de costard en règle de ce qui n’est pas spécifiquement l’Amérique de Trump mais l’Amérique dans ce qu’elle a toujours été de façon plus ou moins souterraine, et que le dernier président n’a fait que ré-exposer à la lumière du jour : le puritanisme hypocrite, qui sert de paravent aux pires turpitudes. Le refus de vérifier l’information dans un monde où elles circulent trop vite et le plaisir de hurler avec la meute.. Le patriarcat qui ne tolère pas la moindre remise en cause de son statut dominant. La virilité imbécile, braillarde et brutale, obsédées par les armes, méprisant les femmes et plus largement ce qui diffère de la norme dominante. Il n’y a que la question de la race qui n’a pas été invitée dans ce brûlot post #MeToo mais ce n’est peut-être que partie remise. C’est sûr, Sam Levinson veut caser tellement de choses dans un film à la durée standard qu’il n’en explore vraiment aucune de manière exhaustive, mais il les aborde, ou plutôt les crache à la face de son public comme un vieux punk...et dans le contexte du cinéma américain actuel, agir de la sorte de façon aussi décomplexée et sans aucun souci des convenances est d’autant plus précieux qu’on sait que cela conduira à la polarisation du public. Bien entendu, découvrir - il suffit de regarder l’affiche de cinéma - qu’en fin de compte, les filles vont retourner la violence contre leurs agresseurs et reprendre le pouvoir, ce n’est pas très original...mais ‘Assassination nation’ se veut Tarantinesque dans l’esprit, pas Sundancien...et iIl faut bien avouer que, comme dans ‘God bless America’ mais sans la moindre once d’humour, le dégommage de cons à l’écran, ça soulage toujours énormément.