Tarkovski a changé ma vie. Il m’est donc difficile de parler de l’une de ses œuvres sans une certaine solennité. Au-delà de la forme (les films de Tarkovski sont les plus beaux films du monde), il y a tout ce qu’a cherché à nous dire le cinéaste, dans chacune de ses œuvres, nous livrant en témoignage, dans chaque plan et dans chaque son, toute son âme, avec un dévouement et un renoncement d’essence quasi religieuse. Tarkovski, toute sa vie durant, n’a cessé de nous mettre en garde contre la dérive purement matérialiste de notre monde, dérive se faisant au prix de la perte de la spiritualité, qui constitue pourtant la principale dimension humaine. Mais qu’est-ce que la spiritualité au juste? La religion? L’art? La philosophie? La poésie? La sagesse?... Et comment y accéder? L’œuvre de Tarkovski m’a aidé à répondre à ces questions, et m’a aidé à trouver et enrichir ma vie spirituelle. Là est sûrement toute la grandeur du cinéma de Tarkovski: chacun y trouve sa propre porte d’entrée, chacun y voit quelque chose de personnel, chacun y trouve sa voie, avec des réminiscences de sa propre vie, de son propre passé, de ses souvenirs les plus personnels... Et il n’est pas meilleure approche de la spiritualité que cette ouverture universelle à l'invisible. Je ne ferai pas un éloge artistique de "Nostalghia". Oui, certes, vous y verrez des plans parmi les plus beaux de toute l’histoire du cinéma, et le dernier, nous montrant le personnage principal assis à côté de son chien devant sa maison natale, le tout contenu dans la nef d’une abbaye en ruine, vous hantera encore bien longtemps après la projection. Mais à quoi bon? Devant le sublime, les mots ne peuvent être que réducteurs. Je dirai simplement ceci: "Nostalghia" est un film sur une humanité en profond désaccord avec le monde, un monde qui court à la catastrophe. C’est une exhortation à revenir aux fondements essentiels de la vie. Puisse cette invitation trouver un large public.