Pour l'adaptation de la série culte Mission : Impossible, sa saga taillée sur mesure, Tom Cruise envisageait les choses en grand. Chaque volet devait répondre à une logique de renouvellement pour la rendre unique. Et quoi de mieux que des auteurs confirmés pour l'y aider? Brian De Palma calquait ses obsessions (jeu de dupe et manipulation par l'image) sur le premier opus. En guise d'inauguration, il offrait à la licence un reboot par le vide en permettant à son héros Ethan Hunt de s'émanciper du passé (cf. Jim Phelps, mentor et père de substitution). Quatre ans plus tard, Tom Cruise revient pour une nouvelle aventure, cette fois-ci réalisée par John Woo. Question univers, on ne pouvait pas faire plus opposé entre un De Palma froid et un Woo lyrique. Mais ce n'est pas la seule différence notable. Si le premier volet portait effectivement la marque De Palma, cela passait également par une intrigue aussi cohérente avec la filmo de son auteur qu'avec le film d'espionnage. Pour M:I-2, il y a bien quelques motifs rappelant le Volte-Face de John Woo (jeu de masques et gunfights), mais je serai bien en peine d'y retrouver des liens avec le premier, la série ou le genre tout simplement.
L'intrigue du précédent n'avait rien de bien complexe, pourtant il semble avoir été décidé de réduire celle du second au strict minimum. À l'origine, Woo tenait à faire son remake des Enchainés réalisé par Hitchcock en 1946. La version finale en est une reprise grossière presque nanarde. Une pale photocopie rafistolée en troisième vitesse pour relier les scènes d'action les unes aux autres. En gros vous avez : un super-méchant qui veut subtiliser un virus pour se faire plein d'argent, une super-voleuse qui est l'ex-amante de ce vilain, et un super-agent secret qui charme la voleuse pour ensuite l'utiliser afin de stopper le super-méchant. Si, si, c'est aussi bête que ça. Passons sur le fait que Ethan Hunt passe du yuppie calculateur à un erzats de Chow Yun Fat avec un Beretta. Ou que l'équipe censée l'épauler est réduite à de la figuration. Tout a été pensé pour glorifier un Tom Cruise magnifié sous tous les angles (Tom qui fait de l'escalade, Tom qui fait du gringue, Tom qui fait de la moto, Tom qui fait du Kung-Fu). Les autres ne seront pas autorisés à lui faire de l'ombre, surtout pas le méchant qui en pâtit directement. Dougray Scott fait ce qu'il peut, et je le trouve bon, mais son rôle est si pauvre. Thandie Newton subit un peu le même traitement, pas foncièrement catastrophique mais si peu engageant. Ving Rhames aura droit à 5 minutes de présence, pour rappeler qu'on est bien dans un Mission : Impossible. Merci à lui, car sinon le film aurait tout à fait pu s'appeler autrement sans que cela gêne (au contraire, même).
Bizarrement, et malgré ces gros défauts, qui suffisent bien souvent à sceller le destin d'un film, il faut avouer que l'énergie déployée par Woo parvient à emporter le morceau lors des scènes récréatives. Il orchestre ses scènes d'action comme un ballet et c'est un vrai plaisir. À la différence du précédent, celui-ci ne s'envisage que comme un exercice de style purement vain, parfois risibles (ah, ces vols de colombes) mais néanmoins fournisseur de bien belles images. Ce qu'elles racontent par contre...