Film... moyen de Roman Polanski, décidément, je n'arrive vraiment pas à l'aimer celui-là. Juste un mot préalable tout de même pour souligner que j'ai vu ce film sur la recommandation de fredastair, lors d'une discussion engagée sur le Black Swan (donc finalement, cet article est un vrai appel, fredastair : que tu trouves-tu à ce film ? Qu'ai-je raté ? Comment peux-tu dire que le thème du double est mieux présent dans le Locataire que dans Black Swan ?). Bref ; c'est mieux que le bal des vampires, vu il n'y a pas si longtemps, mais ça ne casse toujours pas mille genoux d'hortensias, loin de là. Cela dit, le scénario est original, voire plaisant : Mr Trelkovski, interprété par cette crevette de Roman, donc, visite un appartement parisien et décide de s'y installer. Le seul petit encombrement ou obstacle, c'est l'histoire, c'est le passé immédiat de cet appartement, puisqu'on apprend très vite que l'ancienne locataire, celle à qui Trelkovsky succède, donc, s'est jetée par la fenêtre (et meurt assez vite, dans un état non de déchéance, mais de déchet humain, d'humain fracassé). Bref, emménagement, dans cet appartement assez laid, vieux, terne, grisâtre.
Au niveau des idées, l'intention du film est claire : monter crescendo un huis-clos, de plus en plus angoissant, autour de cet appartement et de l'immeuble l'englobant. Pour ça, Polanski réa fait très bien passer cette atmosphère mi-absurde mi-dérangeante où voisins, propriétaire-voisin, et concierge apparaissent plus psychorigides et timbrés les uns que les autres. Tous les reproches se font finalement sur un axe en particulier : le bruit. Quoiqu'il fasse, Trelkovsky fait trop de bruit. Les voisins constituent alors une sorte d'instance de censure de tout volume sonore, de tout cri, de toute claquement de porte ou bruit de pas. Si bien que se développe alors en conséquence de tout ça, de toute cette contrainte venant des autres, venant d'autrui, une sorte de folie (qui est le vrai sujet du film), une sorte d'intériorisation, d'abord, psychologique (définie comme ce qui ne fait pas de bruit : on a là un couple qui se dégage, c'est le couple folie / silence : silence fou ou folie silencieuse), puis de déviance ou distorsion psychologique : plus les événements s'enfilent autour de la trame du film, plus Trelkovsky croit au complot contre lui, se pense persécuté, poussé à la folie, et au suicide, c'est-à-dire au sort réservé à la locataire précédente. Bref, ces voisins qui réclament sans cesse le silence, ce sont des assassins, et de doubles (je veux bien en convenir, ce thème du double est bien présent dans ce film) assassins : Simone, déjà morte, et Trelkovsky, à venir. Et contre la folie silencieuse, contre toute cette intériorisation forcée, il ne reste plus que le cri agonisant, sur le point de la mort, le cri déchirant de la Fin.
On dit ce film absolument effrayant : faut quand même pas déconner ; à la limite, le Black Swan est autant frissonnant, c'est dire... Je dirais plutôt que Le locataire joue sur un étrange angoissant, ou un absurde angoissant : comme ces toilettes communes à tout l'immeuble ou toute la cour, que Trelkovsky peut voir de sa fenêtre, et dans lesquelles chaque voisin reste figé, comme un mort, immobile. Alors là, il y a un parallèle avec une sorte de mythe égyptien antique ou je ne sais pas quoi, thème représenté par la momie (symbole de l'immortalité, mais présent ici sous la forme du malade sur le point de mourir, du suicidé), que j'avoue ne pas avoir bien pigé... Ca doit jouer, si on veut, un peu le rôle des cimetières indiens chez Stephen King, sorte de mythe créateur de surnaturel et de folie... Côté son, puisque ça fait partie de l'ensemble [folie silence], c'est pas mal, des musiques bien choisies, et surtout des bruits, des répétitions, des tac tac tac obsédants, des flocs de gouttes d'eau revenant toujours avec le même absurde inquiétant. Tout ça est réussi, c'est vrai.
Mais il faut tout de même dire ce qui est : ce film est d'une longueur implacable, d'une lenteur proprement effrayante, d'une mollesse accablante. Ca n'avance pas, et puis on n'est jamais vraiment pris par l'intrigue, par le suspense. On ne veut même pas chercher à savoir, à connaître, à avancer. La momie, c'est le spectateur : difficile moment d'éternité. Et puis bon jeu des acteurs, dans l'ensemble, mais on n'accroche vraiment à rien. Et puis le double OK, les miroirs OK, mais c'est quand même pas palpitant (même si on peut précisément apprécier la sobriété du Locataire sur ce point par rapport à l'exubérance du Black Swan)... Et puis la fin cliché, qui referme la boucle, avec dissociation de Trelkovsky et décalque puis substitution à Simone... Je trouve quand même ça un peu bâclé, mais enfin...
Bon, pour la folie, le huis-clos quand même bien monté (la plus belle scène du film, c'est la scène assimilant folie et théâtre), 11/20.
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