A ce moment de lecture des critiques, tout le monde doit savoir que "le Locataire" parle d'un modeste émigré européen (c'est important de nos jours) interprété par Roman himself, emménageant dans les années 70 dans un vieil appartement parisien occupé précédemment par une défenestrée et qui voit ses voisins lui être de plus en plus hostiles sans raison rationnelle. Il va en devenir dingo - à moins qu'il ne le fût déjà.
Il n'y a pas de suspens, ni d'effets spéciaux (à part la scène du théâtre italien ?) mais une insidieuse tension permanente et oppressante à tous les "niveaux", distillée par le décor glauque, la musique crissante, les péripéties absurdes (dans le bon sens du terme) et l'incompréhension générale de.. sais-pas-quoi......................
Comme pour la majorité des films de Polanski, je trouve ce film "bien" mais comme j'adore Polanski, je sais qu'il doit être "très bien". En effet et bizarrement, je ne m'extasie jamais sur un film de Polanski (à part p-être "Tess" ou "Rosemary's baby" mais c'est que je suis une midinette). Je peux être touchée, m'émouvoir, être angoissée ou avoir peur mais jamais tomber en pâmoison. C'est toujours peu ou prou "bien" mais pas génial. Il me manque quelque chose ou quelque chose me gêne. Je le regrette d'autant plus que je tiens vraiment Polanski pour un génie humain, (ben oui, pas surhumain, faut pas déconner), que j'estime & admire.
Trouvant donc que Polanski est génial, je le prouve (enfin, j'essaie).
Ce film peut s'envisager s'articulant sur 2 ou 3 axes souvent superposés : l'Egypte antique (hein ?!), le métier de verrier et la synagogue. Enfin, j'avance cela alors que je n'ai pas vu ce film avec toute l'attention qu'il méritait et que je voulais lui accorder, mais j'avais la famille au téléphone en même temps, ce qui ne favorise pas la concentration filmesque.
1) L'EGYPTE ANTIQUE : Le film montre des hiéroglyphes et le roman (de la Momie) de Gauthier du XIXème s. La défenestrée est visitée par Roman Pol.. Trelkovski à l'hôpital, qui la voit momifiée et inidentifiable dans ses bandelettes. A la fin du film, c'est Roman qui se retrouvera dans ce même lieu et dans cette même situation comme un Sysiphe-Phoenix, non sans s'être auparavant suicidé 2 fois de suite de la même façon (voir partie 3). P-être imaginait-il ensuite pouvoir poursuivre son autre vie, sa seconde vie dans le royaume des morts ? Sigmund Freud était passionné par l'antiquité (grecque plutôt qu'égyptienne) mais grâce à lui, on a pris "conscience" de l'importance des rêves et de l'angoisse de castration qui appelle la scène de la dent perdue, où au réveil, Trelkovski a changé de sexe, il a perdu son zyzy (Mme & M. Zy sont des personnages du film) pour devenir une femme qui saigne (où qui voit pour la 1ère fois les Anglais débarquer, comme on dit). Grâce à Freud aussi qu'on reconnaît les schémas répétitifs (voir partie 3) contre l'enchaînement desquels on ne peut rien, sauf si on "en prend conscience".
2) LE METIER DE VERRIER : Outre la musique qui utilise le frottement de morceaux de verre, histoire de bien hérisser le poil, le verre est omniprésent dans ce film. Il double et déforme. Le héros regarde par la fenêtre, observe ses voisins qui l'observent aussi à travers la fenêtre des WC (c'est la merde, dirait encore Freud, en voulant parler des gros problèmes du patient). De temps à autres, oh, Roman s'y voit lui-même. Trelkovski se mire dans la glace de l'armoire, une main passe à travers la vitre brisée de l'apparte, il brise la verrière en se jetant sur elle, ce qui attire encore l'attention, le regard des voisins, etc. Ce verre permet de voir ou d'être vu (par soi-même ou les autres). M. Scope est aussi le nom d'un personnage du film et un scope est un observateur, pour moi lié au verre. Tout comme l'appareil photographique et son image inversée (voir partie 3). Le scope est l'abréviation d'"oscilloscope" pouvant se décomposer en oscillo/scope = "observateur-observatoire qui oscille". Dans son acception familière enfin, le scope est aussi une sorte de vision des choses du "rôle" de quelqu'un ; on dira : "Oublie cette idée, c'est pas dans mon scope". Isabelle Adjani, l'amie de Trelkovski, qui semble être la seule à vraiment le voir (comme un ami ?), s'appelle Stella qui est une étoile donc aussi un éclat de verre (étoilé) dans le ciel sombre de notre héros. Un peu plus éloigné du verre mais dans sa vision, le spectateur regarde (specto) le film et les tourments de son anti-héros.
3) LA SYNAGOGUE : Là encore et encore, on a une vision double. Romain Bouteille s'appelle Simon dans "le Locataire". La précédente locataire défenestrée s'appelle aussi Simone. Quel "hasard" que ces prénoms hébraïques répétés ! Ce qui est aussi intéressant, c'est le nom de famille de Simone : Choule. La Choule pour les Juifs, c'est la synagogue. Les mères juives disent à leur fils : "Va à la shul au lieu de.. !" Les Juifs disent : "Nan, j'peux pas faire la vaisselle ; j'dois aller à la shul." Cela doit venir certainement de l'allemand passé ensuite au yiddish "schule" = école. En effet, la synagogue est toujours un lieu d'études ; c'est son essence. On y prie mais on y étudie surtout ; la prière est étude et inversement. Fonction double et/ou assimilée. Roman Polanski ne doit pas ignorer cela. Il s'appelle Roman (ce n'est pas de son fait, ok) mais il a tiré son film d'un roman. Il est Parisien de naissance mais toujours pris pour un Polonais (qu'il est d'origine). Il a vécu à Paris comme en Pologne. Il figure dans ce film un émigré polonais habitant un Paris hostile habité de Parisiens hostiles. On pourrait dire que c'est son double interne. On ignore si Trelkovski est Juif mais Polanski l'est et depuis le Moyen-âge, la Synagogue figure aussi les Juifs en général (voir par exemple la façade sculptée de Notre-Dame-de-Paris) contre lesquels le monde entier a "une dent". ...............................................................
On pourrait dire aussi que tout cela n'est qu'élucubrations (et encore, je n'ai pas tout dit !) mais Roman, si tu me lis, dis-moi STP, qu'à tout cela tu as pensé ou du moins, si c'est inconscient, que cela fait sens en toi..
(En fait, il est vraiment bien, ce film.)