L'idée de départ du Portrait interdit s'appuie sur un tableau, "Portrait d’une concubine", attribué à Jean-Denis Attiret, un jésuite français, et peint au milieu XVIIIe siècle. Ce tableau est exposé dans un petit musée situé à Dole, en Franche-Comté, ville natale du peintre….
Passionné de culture asiatique et plus particulièrement chinoise, le réalisateur Charles de Meaux avait été frappé par l’expressivité du visage féminin et était intrigué par cette peinture énigmatique, sorte de Joconde chinoise.
Ayant partagé sa fascination pour le tableau de Jean-Denis Attiret au cours d'une discussion avec des amis chinois, Charles de Meaux se voit proposer de faire un film sur cette peinture. Le cinéaste français s'est alors documenté et a découvert l'existence de l'impératrice Ulanara qui prêta son visage au portrait. Folle amoureuse de l'empereur Qian Long qui la délaissait, elle éprouvait des tourments de l'âme comparables, selon de Meaux, à ceux des héros de la littérature romantique.
A partir de l'histoire de l'impératrice Ulanara, Charles de Meaux s'est amusé à imaginer une fiction avec la complicité de Michel Fessler. Ensemble, les deux hommes ont écrit une histoire d'amour entre cette femme qui vit "dans la désespérance de ne pas être regardée par l’empereur" et ce jésuite qui pose son regard de peintre sur elle.
Le film est une coproduction franco-chinoise, tourné, en mandarin, à Beijing partie en studio, partie dans une partie de la Cité Interdite construite pour le film de Bertolucci, et transformé depuis en parc d’attraction. Il en ressort un film esthétiquement très beau, au rythme lent, comme ces longues séances de pose, entre le peintre et son modèle. De ces séances, au vu et au su de tous, dignitaires et courtisanes, va naitre, entre le peintre et son modèle, un trouble, au fur et à mesure que le portrait prend forme, mais dans le carcan rigide de la Cour impériale les sentiments ne peuvent être portés par la parole mais au travers des regards, et déjà ces échanges sont un défi à l’implacable hiérarchie de la Cour et au pouvoir de l’empereur…L’impératrice est interprétée par la magnifique Fan Bingbing, au visage aussi énigmatique que celui du fameux portrait. Melvil Poupaud est Jean Denis Attiret, loin de l’image austère des jésuites, mais obligé d’ânonner son mandarin en phonétique…Mention spéciale aux directeurs de la photographie, Charles de Meaux et Dong Jinsong et aux deux décorateurs, François Renaud Labarthe et Jiang Quan….les décors reconstitués, les costumes de soie brodés…Le résultat est somptueux…certaines audaces artistiques sont de bonnes idées, comme avoir fait s’animer les dessins au fusain de Jean-Denis Attiret pour représenter des scènes de batailles, d’autres moins heureuses comme ces surimpressions d’un « avatar » du personnage censé illustrer ses pensées et qui peuvent dérouter…mais cela ne gâche pas l’impression générale d’un film romanesque et flamboyant !!!.