Ceux qui ont aimé la fresque flamboyante de Bertolucci, "Le dernier empereur", retrouveront ici le faste et la beauté des décors et des costumes de la Chine Impériale. Mais plutôt que de filmer les bouleversements de l’Histoire, Charles de Meaux s’intéresse à un sujet plus intime et universel : la solitude de la jeune impératrice Ulanara, malheureuse seconde épouse de l’empereur qui comprend bien que son mari lui préfère les concubines et le souvenir de feu l’impératrice. Pour ce rôle, le réalisateur n'a choisi rien moins que la plus grande pop-star de Chine, Fan Bingbing, un choix qui fait sens pour le public chinois. Mais même pour le public occidental pour qui elle ne représente rien, il est évident que le rôle lui sied à merveille : sa beauté et sa grâce irradient littéralement l'écran, et on se laisse toucher sans peine par la détresse de son personnage. Cette femme abandonnée, bien qu’elle soit considérée comme sacrée du fait de sa condition sociale, va se retrouver dans la position singulière de modèle pour un peintre occidental, un Jésuite, à l’attitude assez différente de celle des courtisans chinois. Cette rencontre va bien entendu générer un trouble des deux côtés. Car au-delà de l’inévitable attirance entre une femme délaissée et un homme voué à l’abstinence, c’est aussi beaucoup (et presque plus) de la différence culturelle entre Chinois et Occidentaux dont il est question : à chaque séance de pose, l’impératrice et le peintre sont entourés d’une foule de courtisans qui observent, commentent, pouffent de rire devant l’étrangeté de l’art du frère Attiret, ils l’interrogent sur son Dieu…. Ulanara la première est curieuse. Il est intéressant pour nous, public occidental, d’adopter un autre point de vue sur nous-mêmes. Le réalisateur traite avec beaucoup de finesse cette question de la différence culturelle et de la représentation dans l'art, sujette à nos cultures. En revanche, au risque de vous décevoir, l'histoire d'amour potentielle restera lettre morte (on n'est pas dans Les liaisons dangereuses). Le film aurait gagné à développer plus les thèmes de l'évangélisation et des tourments sentimentaux du prêtre, car on reste un peu sur sa faim. Mais le film est un très bel objet, avec quelques incursions poétiques. Il faut se laisser porter.